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Interview réalisé dans les locaux de PIAS france Merci à Kieran Hebden et Pias

Un petit oiseau dans un grand arbre, mangeant du chocolat !!

Ton nouvel album " Everything ecstatic " sort dans quelques semaines (NDLR : le 23 Mai), es-tu enthousiaste ?

— Oui, dès que tu finis un album et que tu le donnes à la maison de disque, tu veux qu’il sorte tout de suite. Je l’ai terminé il y a seulement deux mois et j’ai du mal à croire qu’il se passera encore deux mois avant qu’il ne sorte.

Pourquoi ce titre " Everything ecstatic " ?

— Sur cet album, une des idées principales était l’inspiration procurée par les musiques religieuses et spirituelles, non pas parce que je suis quelqu’un de particulièrement intéressé par la religion, mais pour cette idée que certaines personnes sont si excitées par ces musiques qu’elles l’utilisent pour s’adresser à leur Dieu ou une instance divinatoire. Ce genre de musique qui vous met dans un état de transe, tel que le free-jazz, le gospel ; une sorte de célébration puissante par la musique, mais pas seulement un état de joie, plus un sentiment d’euphorie. Je voulais faire ce genre de musique qui vous donne cette énergie et le titre de l’album tente de capturer cette idée.

Est-ce que cette musique est le reflet de ta personnalité ou caches-tu le côté obscur de ta force ?

— Je suis un mec plutôt heureux. Ma vie a été super récemment. J’ai pu voyager partout dans le monde pour partager ma musique et j’ai vécu des tas d’expériences passionnantes, donc il n’y rien de négatif en moi en ce moment.

As-tu composé différemment cette fois-ci, ou de la même manière que pour " Pause " et " Rounds " ?

— La différence avec " Rounds " est que j’avais travaillé sur cet album sur une période d’un an, composant et enregistrant des choses ici et là, alors que le nouvel album a été produit en deux mois, en ne faisant rien d’autre et en me concentrant uniquement sur ce projet ; Je l’ai fait car je voulais un album qui soit un concentré d’énergie et d’excitation. Il a été fait très rapidement donc il y a toujours une impression de chaos et je n’ai pas eu l’occasion de faire en sorte que certains morceaux temporisent les morceaux les plus rapides.

Avais-tu l’impression que les deux autres albums manquaient de cohérence ?

— Non, ce qui m’intéresse c’est que chaque album soit différent et qu’il y ait une progression. Sur celui-ci je voulais quelque chose de plus spontané.

Connaissant bien " Pause " et " Rounds ", je me posais la question de savoir si tu voulais créer une trilogie avec ce nouvel album…

— Je n’y ai pas pensé en ces termes, mais j’aime bien penser que les albums se suivent de manière relativement naturelle. Je pense que tu peux écouter les trois albums à la suite en sentant une sorte d’évolution naturelle. Ce n’est pas comme si ce nouvel album était un saut dans quelque chose de complètement opposé à ce que j’ai pu faire sur " Rounds " ; dans ma tête çà reste une continuation, l’étape suivante.

Enregistres-tu chez toi, dans un home studio ou travailles-tu en dehors ?

— Oui, je fais tout chez moi avec un seul ordinateur, sans table de mixage avec un matériel très simple. Je fais tout tout seul.

Ne ressens-tu parfois l’envie de travailler avec d’autres musiciens, un producteur ?

— Oui mais je le fais dans d’autres projets parallèles. J’aime bien me dire que Fourtet est mon projet solo, J’ai d’ailleurs déjà fini l’enregistrement d’un autre album.

Encore un autre Four tet ???

— Enfin c’est un nouveau projet parallèle. J’ai collaboré avec un excellent batteur qui a notamment joué avec Sun Ra, James Brown, un super musicien (NDLR : Steve Reid). Il a 61 ans ! Il s’agit de batterie acoustique enregistrée live avec des sons électroniques sur lesquels je travaille également en direct ; Cà m’a vraiment plu de faire cela, donc je pense qu’après cet album, je vais prendre plus de temps pour travailler sur des collaborations, parce que comme tu le disais, il y a un certain cycle qui s’est terminé avec ce nouvel album et je ne veux pas me retrouver coincé à me répéter. En même temps je suis toujours dans " Fridge " (NDLR : son premier groupe - Domino Records), on a déjà enregistré la moitié d’un nouvel album, mais çà a été très lent dû au fait que Sam, le batteur, est retourné en fac pour ses études et puis il a sorti un album solo (NDLR sous le pseudo ADEM - Domino Records) et puis on n’a aucune pression pour sortir un album rapidement, mais il arrivera un jour…

Ta musique étant instrumentale, tu ne peux t’exprimer qu’au travers des titres qui sont eux-mêmes relativement courts, surtout si on les compare à ceux de GYBE ! par exemple…

— Ouais, c’est clair (rires)

As-tu tout de même un message particulier à faire passer ?

— Pour moi, il s’agit plus d’impressions d’ensemble, de sentiments, plutôt que d’idées prédéfinies qu’il faudrait faire passer dans ma musique. Je ne pense jamais à mettre mes idées et mes opinions en mots, mais elles ressurgissent de manière subtile dans la musique qui va ressortir ce jour précis des machines et des instruments…Je veux juste que les auditeurs puissent interpréter ma musique à leur manière. Souvent, ils viennent me voir et me disent " Wow, j’ai écouté ton album et c’est m’a donné une pêche énorme " ou d’autres me disent que çà les a fait se sentir vraiment triste …Mais les deux sont positifs pour moi car cela veut dire que des émotions seront passées au travers de ma musique. Parfois je donne des indices dans les titres ou l’intro pour prévenir que cela va être un moment plutôt intime ou… Par exemple, je me rappelle de ce titre que l’avais appelé à l’époque " Everything is all right " sur " Pause " (NDLR : son 1er album solo) et il est intéressant de constater que les gens qui écoutaient ce morceau, peu importe les circonstances, avaient ce sentiment que tout allait bien se passer…Et en même temps, je me sens un peu agressé par les groupes qui revendiquent une réelle appartenance politique par exemple. Je veux dire, moi aussi je me sens concerné par la guerre et toutes ces choses…

Justement, n’as-tu jamais envie de faire passer des choses comme des messages de paix ou…

— Pour moi, lorsque je vois des choses vraiment horribles qui me choquent, çà me met une certaine pression sur les épaules et je ressens le besoin de plutôt créer une musique qui va inspirer les gens et leur rappeler le sens réel de la vie. C’est facile d’intégrer un petit message politique vide qui va bien claquer, du genre ces groupes neo-libéraux qui vont vous dire que " la guerre , c’est pas bien "…Je pense qu’à mon niveau je suis plus efficace pour procurer des émotions aux gens, plutôt que de leur dire quoi faire ou encore quoi penser ! Je veux sentir qu’il y a une vraie substance derrière le message, les mots ou la musique que je fais ou que j’écoute.

En parlant d’efficacité, trouves-tu difficile d’adapter ta musique pour qu’elle soit jouable " live " ? Quelle est ta méthode ?

— C’est devenu un aspect très important de ma musique et je pense que ce nouvel album a été beaucoup marqué par les nombreux concerts que j’ai donnés ces deux dernières années, parce que je me suis vraiment concentré sur la manière de faire de l’improvisation en temps réel avec les machines. Je pense que c’est vraiment un type de musique qui offre des possibilités de progression, d’amélioration constante. Par exemple avec ce batteur on a fait des concerts à Paris , à la Fondation Cartier et à Londres et c’était vraiment super d’improviser à ses côtés. Je veux dire…. Moi cà ne m’intéresse pas de faire un album et de tourner pour reproduire cet album tous les soirs. Je préfère considérer que l’album est juste le début du processus et qu’en tournée, tu prends les thèmes et tu les fais évoluer, un peu comme en jazz. Lors de ma dernière tournée, j’ai fait des versions de vingt minutes des titres de l’album et sur d’autres les batteries étaient bien plus mises en avant. A d’autres moments, j’ai pu choisir d’enlever les percussions pour que çà devienne plus " ambient ",etc… L’idée étant que si quelqu’un vient à un spectacle et qu’il revient trois mois plus tard, il entendra quelque chose de complètement différent.

Donc quand tu composes, tu penses déjà à l’aspect live ?

— Non, non. Quand je compose, je me dis juste " Fais le meilleur album que tu peux faire ". Une fois que c’est fini, je me dis " Bon çà c’est le disque, maintenant où est l’espace qui va me permettre de modifier certains éléments ? ".

Sur " Rounds ", un des titres pourrait être comparé à l’album " 1,2,3, i’m happy and i’m singing " que Jim O’Rourke a sorti sur Mego il y a de celà quelques années…

— Oh ouais, j’adore cet album, c’est un des albums que j’écoute le plus souvent !

justement je me demandais si tu allais un jour sortir un album délibérément expérimental, sans batterie, juste avec tes sons…

— Oui , j’ai pleins d’idées. J’ai l’impression d’avoir plus d’idées que de temps pour les mettre en œuvre. Par exemple, j’ai vraiment envie de faire un album uniquement basé sur la manipulation de guitare acoustique, dans la plus pure tradition des disques expérimentaux de Jim O’Rourke que tu cites. J’ai déjà commencé à y travailler mais le problème est que quand tu donnes çà à la maison de disques, c’est une autre sortie qui va me prendre beaucoup de temps. Et je ne veux pas produire ou sortir une avalanche de disques ; je préfère faire moins de disques mais que les gens auront vraiment le temps d’écouter…

Tu as sorti un split avec Hella (NDLR : un split 7’ dans le cadre des Divorce series sur le label Ache ) il y a de celà un moment. Comment se fait-il que tu te sois retrouvé sur un disque avec eux, étant donné que vos musiques sont tout de même très différentes…

— J’étais en tournée aux Etats-Unis avec Fridge il y a environ trois ans et on a fait un concert avec Hella à New-York et j’avais été impressionné par leur style donc on est resté en contact parce que Zack (NDLR : Zach Hill, le batteur de Hella) m’a envoyé des cds de batterie acoustique dans le but de collaborer, mais on n’a jamais vraiment eu le temps de s’y mettre. Et puis un peu plus tard, j’ai reçu un e-mail d’un gars qui voulait sortir un 7’’ avec sur une face, un groupe qui joue live et sur l’autre face, un projet plus électronique ; j’ai demandé avec qui çà pourrait être et il m’a dit " Hella " ! Donc j’ai accepté sur le champ !!!

Tu as gagné une plus grande reconnaissance depuis " Rounds ", est-ce que cela a changé quelque chose dans ta vie personnelle ?

— Oui les choses sont plus faciles aujourd’hui, A l’époque, c’était plutôt " Oh je me demande si je pourrais trouver une ou deux dates… " alors qu’aujourd’hui je n’ai qu’à choisir entre les milliers de propositions que je reçois. C’est le plus grand changement. Je suis passé de l’espoir à la possibilité de choisir, ce qui est énorme…. Cela fait déjà bien longtemps que je n’ai plus à jouer devant 10 personnes, avec beaucoup de travail et peu de récompense au bout du compte. Mais çà n’a rien changé dans ma personnalité, j’étais déjà fier le jour où mon premier album est sorti. Ce n’est pas tant une question de ventes… C’est plutôt le fait de documenter ce que je fais de la meilleure manière qui soit. Ce qui me donne le plus de satisfaction, c’est quand un autre musicien vient me voir et me dit que mon disque l’a inspiré ; avoir le sentiment que ce que je fais va faire partie de l’histoire de la musique et que les gamins dans 50 ans puissent écouter mes disques, laisser une trace…

Si tu devais recommander quelques disques récents à nos lecteurs ?

— Je viens de m’acheter le dernier Quasimoto qui est très bon, le nouveau Caribou (NDLR : anciennement Manitoba) et Battles (NDLR : le nouveau projet du guitariste de feu - Don Caballero, avec également le batteur d’Helmet), un truc extraordinaire, on va jouer avec eux à Londres bientôt…

Ha bon ? Il n’est donc pas si bizarre de te voir faire des disques et tourner avec des gens qui font du post-punk ?

— Oui mais tu sais, çà a plus à voir avec la mentalité des groupes ; j’ai récemment tourné avec Animal Collective, qui est l’un de mes groupes favoris. Quand je leur ai demandé de tourner avec moi, tout le monde m’a dit " Quelle combinaison bizarre !! " mais c’était vraiment magique.

Pour finir un mini portrait chinois !Si tu étais quelque chose de végétal ?

— Je serais un grand arbre !

Si tu étais un animal ?

— un petit oiseau !

Si tu étais un vice ?

— Le chocolat !!!

Et enfin si tu devais emporter deux choses sur une île déserte ?

— Ben, une guitare et un laptop !



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