> Interviews



Propos recueillis sur la Route du Rock 16. Merci au service presse de la Route du Rock.

On les avait vus jouer fougueusement à quatre lors du Scopitone nantais début juillet. Ils n’étaient plus que trois à la Route du Rock pour assurer la mise en son d’Elephant Eyelash, leur dernier LP en date. Pourquoi ? Parce que Matt Meldon, guitariste et bassiste du groupe a dû choisir entre sa petite femme et la tournée de Why ? Résultat, chacun est plus multi-instrumentiste que jamais. Yoni Wolf, chante, joue du clavier et bat le rythme au son du tambourin. Son frère Joisah assure la rythmique mais aussi le metallophone. Quand à Doug, il alterne entre guitare, basse et clavier. Sur scène ou en voiture la musique de Why ? est le reflet fidèle de ses créateurs : délirante, poétique mais aussi précise et plus élaborée qu’il n’y paraît.

Quand on écoute vos textes, on sent qu’ils sont ancrés dans une géographie et des lieux précis. Alors que beaucoup de groupes s’en tiennent à des généralités, à des expressions à la mode… Quelle importance accordez-vous aux textes ?

— Yoni : C’est aussi pour ça que je fais de la musique. Je ne sais pas, mais ce sont les mots qui viennent vers moi. Je n’éprouve pas le besoin de parler des choses " en général ". Plus on est dans la précision et la spécificité quand on écrit, plus l’auditeur ou le lecteur peut s’y retrouver parce qu’il sent une réalité. Que ce soit une chanson d’amour ou de haine, on sent la différence si elle vient du cœur, qu’elle est réelle ou si l’on reste dans des généralités. Mes paroles se rapportent à ma propre culture, ma micro-culture qui est celle que je partage avec les habitants de ma région ou mes potes… Mais ce qui me fait toujours un drôle d’effet c’est de rencontrer des mecs un peu partout dans le monde avec qui ces paroles font effet. Je me rappelle de ce mec de 19 ans, il y a un mois, qui me posait des questions et qui avait vraiment analysé mes textes, qui les appréciait et qui y voyait des liens avec ce qu’il pouvait vivre de son côté. C’était cool.

Dans quelles conditions a été enregistré Elephant Eyelash ?

— Yoni : On était défoncé (rires)…
— Josiah : On a tout enregistré à la maison par nos propres moyens. On n’était pas prisonniers d’un environnement studio…

Vous aviez une approche plutôt lo-fi, plutôt DIY (ndlr : Do It Yourself) ?

— Yoni : Non, lo-fi non, mais DIY oui, ces mots ont un sens bien précis et ne correspondent pas à la même chose. Ce qu’on voulait c’était enregistrer quand on le sentait.

Vous avez peut-être plus une culture hip-hop, mais est-ce que vous vous sentez proches des groupes indés des années 90 comme Sebadoh ?

— Josiah : On a grandi en écoutant ces groupes, il y a une certaine proximité.
— Yoni : J’ai pas grandi en écoutant ces trucs mais je connais un peu Sebadoh maintenant et tous ces groupes. C’est plutôt sympa, je les aime bien. Mais je crois que ça vient vraiment de l’adolescence et de mes premiers enregistrements où je devais de toute façon me débrouiller par moi-même. Depuis, on a toujours fait comme ça. Je ne sais pas comment ça se passera pour le prochain mais le DIY correspond bien à notre esprit.

Quand vous enregistrez à la maison, vous êtes plutôt dans le contrôle alors que sur scène vous expérimentez beaucoup. Qu’est-ce qui vous convient le plus ?

— Josiah : Les approches sont différentes, mais le sens est le même. La conception studio se fait en vue de la performance live.
— Doug : On vient tous de différents endroits. Yoni, par exemple, ne faisait qu’enregistrer alors que je jouais du jazz, beaucoup de trucs sur scène et je n’avais jamais enregistré. De ce point de vue, on était donc complètement opposés. Les deux sont bons. L’enregistrement reste, c’est le résultat d’un travail alors que le live est l’expression d’un instant. Les gens vous écoutent et gardent un souvenir quel qu’il soit de votre performance. C’est juste différent.
— Josiah : J’aime les deux.

Clouddead, c’est de l’histoire ancienne, ou il est encore possible que vous collaboriez tous les trois ?

— Josiah : Non, c’est fini… (rires)… c’est une blague. C’est à Yoni de répondre.
— Yoni : Pas pour le moment mais qui c’est ? Qui c’est ce que voit le diable dans le cœur des hommes ?

Yoni, comment tu conçois ton parcours musical entre Clouddead et ce que tu fais maintenant avec Why ? dont certains disent même que ça se rapproche de choses comme Beck ?

Les membres du groupe improvisent un court jingle avec human beat box et chant.

— Yoni : Pour être honnête, je ne veux pas que cela se raconte trop dans la presse mais le prochain album de Why ? sera très rap.
— Josiah : Mais tu parles à la presse !
— Yoni : Le prochain Why sera plus rap mais pas comme du Beck. C’est pas du rap Becket là, il se met à chantonner doucement le refrain de ’Where it’s at’ dans Odelay….

Les structures musicales d’Elephant Eyelash me semblent plus classiques. C’était un défi, une volonté de votre part ?

— Josiah : Quand on était plus jeune on écoutait pas mal de pop, de rock classique à la radio. Mon père lui écoutait des mecs comme Bob Dylan par exemple. Yoni a plutôt grandi avec du hip-hop, dans une autre direction. L’impression qu’ont ici les gens de Clouddead est très différente de la nôtre et du sentiment qu’on avait en enregistrant avec Clouddead. On s’amusait juste à bidouiller des sons, on avait pas de théorie prédéfinie, on faisait ce qu’on pouvait. Il y a plein de groupes rock ou pop des années 60 et 70 qui nous ont marqués, qui font partie de nous et il y a par exemple des chansons issues de l’EP Sandollars qui ont cette empreinte. Et ces chansons ont été enregistrées avant Clouddead, ce n’est donc pas nouveau chez nous. Clouddead n’est qu’un aspect de ce que nous faisons mais le groupe vit aussi avec ces influences.
— Yoni : Tu parles de structures plus classiques mais nos influences sont très diverses. On aime beaucoup de choses et quand on mixe tout ça, on a envie de conserver cette diversité. C’est pour ça qu’on a pas mal de chansons aux structures volumineuses. Je ne sais pas si on peut vraiment parler de structures classiques.