Lou s’est fait attendre, on distinguait sa silhouette en haut du précipice, un pied sur la corniche, l’autre accompagnant le souffle du vent, dessinant des arabesques dans le vide. Et puis elle s’est jetée, dansant dans cette chute, à moins que le haut ne soit, in fine, qu’un contraire, et non une certitude ennuyeuse.
Une décennie d’écriture, tout sauf un bric à brac, un désordre des sentiments, les contrariétés (amoureuses) comme des bonheurs, des sourires, l’idée d’en sortir en se laissant tomber, plus bas n’est pas toujours la chute. Musicalement le disque est un diamant d’austérité, un arc en ciel de retenue. Il a une intransigeance dans la volonté de ne pas vouloir séduire pour séduire, tout bonnement fascinante. Le virus est d’autant plus virulent. Cela commence (La Prunelle De Mes Yeux) comme un PJ Harvey sorti de To Bring You My Love. Attention Lou nous prévient dés l’entrée elle ne fera pas de cadeau, nos épidermes vont trembler. Sous la beauté la glace. A l’évidence enregistré alors que la fin du monde venait d’être annulée, comme une mauvaise blague qu’il fallait punir. L’amour est a ce prix.
En huit titres l’amour sera en danger, Paris sera magnifié, la tension elle n’aura qu’une permission le temps de "Tous Les Jours", étonnante farandole de sons, un morceau dont la structure s’égare pour laisser Lou s’oublier, se lâcher. Le danger est un autre cheval de bataille, il empoisonne « Egale A Moi Même », il donne à la fuite un droit de préemption sur la liaison, il est le géne de l’amour. D’ailleurs ce bonheur Lou ne le fuit elle pas ? n’est elle pas l’amante d’une ombre (Oceanic Sentiment) qui se fait envahissante d’Avril à Juillet ? Must incomparable, l’ombre de PJ sur un titre qui va loin dans le mystère. Le titre est tendu comme une arbalète. L’ombre, les jeux d’ombre sont importants, surtout quand ils gardent leur mystère. La belle mystérieuse est inquiétante, elle pourrait demander à John Carpenter de venir habiter Paris, de construire avec une œuvre de l’ombre en s’inspirant d’un Murnau venu apprendre le Tango. Croisé sur un volume de nos compilations « Plus Rien » prend ici une nouvelle épaisseur, les vagues recouvrant des esquisses sur le sable. Lancinant le morceau nous fait chavirer, sans radeau pour nous ramener sains et sauf, sauf la voix de cette sirène qui ne veut pas se reconnaître ainsi.
Lou accède ici à quelque chose de rare, elle séduit en se cachant, hypnotise en nous tournant le dos, donnant tout son sens au titre d’un disque qui résonne comme un appel à se revoir, mais ne le dites pas à Lou, elle nous fuirait pour plus longtemps. Madame Lou je veux chanter des chanter tristes, et si c’était avec vous je serais heureux, vous la belle du sebastian que je me rêve là d’être. Sublime force des sentiments.