Elle est loin l’époque du do it yourself, où le souffle ne faisait pas partie intégrante de l’écriture, mais plutôt de la pauvreté de l’enregistrement. Loin ces cdr’s approximativement nommés avec un feutre pour support lisse, protègé dans l’enveloppe par un bout de papier griffonné à la hâte, la main tremblante à l’idée d’être critiqué, par quelqu’un que l’on ne connaît pas, et qui n’a pas plus le droit que sa voisine de donner son avis, sauf que la voisine doit supporter parfois des heures de répétition d’un même morceau sur la mort de sa belle.
Avec Ched Hélias le disque est fini. Le son est parfait, et quand on a entre les mains le disque, on se demande, comme souvent, mais que font les pros, quand on voit ce que sont capables les autoprods.. On voudrait être sa voisine. On voudrait pouvoir assister à l’éclosion de ses morceaux. On guetterait, un stéthoscope emprunté sur le mur, le moment où les doigts rencontreraient pour la première fois les touches d’un piano. On scruterait le moment où de simples arpèges vont s’envoler vers quelque chose de fantastique, mêlant des brides d’une formation classique vers quelque chose d’electro, de pop (Augusto’s Dead). Petit Sufjan Stevens dans son Finistère (The Way It Goes) Ched Helias est un petit virtuose qui préfère la proximité de la pop au caractère parfois hautain du classique. A l’image d’une Neil Hannon qui au début de sa carrière construisait des pièces classiques de 3 minutes pour un auditoire pop, Ched Helias (également membre de We Phenix et Kaiser Palace) laisse l’intransigeance au profit de la proximité. Construit avec ses entractes sonores, ce premier album de Ched Helias est presque une petite histoire à lui tout seul. Une suite logique, une introduction son intrigue et sa conclusion, avec dans l’un des rôles principaux Ootiskulf (Her Lost Candles) que nous croisons avec plaisir, après sa participation plus que remarquée sur le tribute to Remué. Mais l’histoire est probablement plus simple, c’est celle d’un orfèvre en pièces minuscule, qui le temps d’un disque, tente de se forger des pièces minuscules, tente des embardés (la moindre des choses pour un finistérien) vers un double (A World Of Ghosts) que Bowie n’aurait pas dénigré.
Ce premier album éponyme de Ched Helias n’a pas fini de nous faire découvrir ses secrets. Il est pour son auteur, probablement bien plus qu’une promenade, c’est une libération.