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  • 31 août 2011 /
    Bernard Lenoir
    “And we’re changing our ways”

    rédigé par gdo



Whaou…dur de commencer un papier en disant que le rock le soir c’était Lenoir. Comme je l’ai écrit rapidement, dans l’émotion brute, j’ai l’impression de perdre un proche. Si les podcast sur Inter ou sur Telerama me rassurent, il n’est reste pas moins que je suis comme orphelin. Depuis deux ans certes je n’écoutais plus que les sessions pour les enregistrer, ou certaines émissions en streaming quand je le pouvais, le temps rapetissait la famille grandissait. A bientôt quarante et un ans, j’ai passé plus d’années à écouter Lenoir qu’à ne pas l’écouter. Toutes ces soirées à écouter ces émissions au format changeant suivant les humeurs de la direction (1h30 avec coupure des sessions à 22h le bouton pause activé, l’émission d’une heure, et le pire de tout celle commençant à 21h45 finissant à 22h30 journal de 22h00 inclus). Cette année c’était le top, tout la semaine à l’antenne, récupérant le vendredi pour le programme cool, une ultime pirouette, car cette année allait être la dernière.

Avec Lenoir si j’ai fait la fortune de BASF pour les cassettes de l’ensemble des Live depuis plus de 20 ans, si j’ai utilisé pour la première fois un agenda pour noter amoureusement l’ensemble des playlist jour après jour, si j’ai fait déborder des boites aux lettres quand le repérage était FNAC et qu’il se gagnait par carte postale, avec cerise sur le gâteau son nom à l’antenne quand on gagnait, j’ai surtout grandit et pas que physiquement. Car Bernard connectait tout, quand il parlait de Diabologum il conseillait de lire Debord, quand il parlait de Suede un lendemain de première Black Session il me donnait envie de lire Boris Vian, quand il discutait avec Murat, Angot me brulait la peau. Alors que le net n’existait pas nous pouvions grâce à Lydie nous ballader à Londres, avec Viviant nous apprenions l’esprit très critique, avec Assayas le plaisir d’écouter, Hilda l’envie de lui parler en Anglais, Yves me faisait aimer la chaleur, et le compagnon de la dernière heure Hugo l’art de pouvoir aimer l’indéfendable, de chercher le cheveux dans la soupe, de réécrire la petite histoire, d’être gourmand.

Si je disais que j’ai plus appris avec Lenoir qu’à l’école on me rigolerait au nez, et pourtant. Sans lui pas cet appétit de la découverte, pas cette prise de conscience de l’avilissement culturel que nous pouvons subir. Alors à l’heure où l’on me demande un souvenir je suis désemparé. Je pourrais vous parler de la première fois ou j’ai entendu Dominique A je mangeais des pates chez un ami à Reims, la session des Adventure Babies que j’ai écouté depuis des centaines de fois, les Tindersticks à la Laiterie et Hugo comparant Stuart à Brian Ferry, l’émission dantesque avec Mark E Smith…… Alors un souvenir marquant oui j’en ai un. Le soir de la session de Calexico, Bernard annonçait non pas la fin de l’émission mais la fin des sessions, JLH coupant les vivres. J’étais au chômage, les modems faisaient du bruit, l’abonnement à internet était de 180 francs pour 20 heures et mes connaissances en html étaient aussi grandes que celles que j’ai en grammaire française. Mais avec la rage, je pondais une page rattachée à celle qui pourrait être l’ancêtre d’ada, j’y allais de ma tribune plus que libre (surtout le style) j’y collais avec l’aide d’une certaine Aureza (de la lenoirliste) une pétition à imprimer, et surtout je donnais en pâture les boites mails du « directoire » d’inter de l’époque. Les artistes me contactaient (Murat entre autre) Une semaine plus tard après des échanges de mail avec Michelle, je donnais mon numéro de téléphone, qui sonnera quasi aussitôt. Michelle au bout du fil pour me dire que c’était chaud, que Jean Luc voulait que cela cesse. Le troisième coup de fil sera toujours de Michelle, sauf qu’elle me passera Bernard, et moi timide et un tantinet con de lui dire « c’est étrange de vous entendre à la radio » !!!. Je garde de cette discussion une sensation incroyable, qui se confirme par les interviews de Bernard depuis l’annonce de son départ, celle d’un homme qui ne mesure pas le bien incroyable qu’il pouvait faire à un auditoire qui comme moi n’aurait certainement pas la même trajectoire. Il me demandait d’enlever les mails, les sessions continueront.

Alors on pourra toujours nous dire que cela devait s’arrêter, mais il est difficile de se consoler. Il me restera des tonnes de K7 comme un héritage, des disques, des livres, l’amour de la voile (des duplex homérique pendant les transatlantiques) et après tout la joie, celle d’entendre Bernard parler des voyages à faire, du pays Basque à ne plus quitter pour Paris sa maitresse, et lui souhaiter des mois de Mai sublime en Italie.

En conclusion je perd mon phare principal dans cet traitre océan de la culture, je perds comme un ami qui me sortait d’une vie de provincial un tantinet perdu, je rage de ne pas entendre François and the Atlas Mountains, Angil ou Lou en Black Session, mais je me console, j’ai gagné la voix masculine qui m’a toujours manqué, ne me dictant rien, mais me montrant des chemins à prendre. C’est con à dire, mais tu vas bigrement me manquer Lenoir. Je t’embrasse les yeux humides.