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Jour un

Je me suis réveillé aujourd’hui dans une ville inconnue. Ni courbatu, ni fatigué, comme si j’étais apparu ici. Mes habits sales et ma barbe montrent que mon parcours n’a pas du être facile, pourtant je n’en garde aucun souvenir ; Le quartier est désert, les immeubles vides, les rues sales et poussiéreuses. Les véhicules abandonnés ici et là montrent que la ville s’est vidée dans la précipitation, néanmoins je n’ai vu aucune trace de combats, de lutte, aucun corps. J’ai trouvé dans un tabac abandonné un cahier et des crayons. Je commence donc ce journal, pour moi plus tard s’il m’arrive à nouveau de me perdre en chemin, ou pour quiconque le trouvera. Je ne sais pas d’où je viens, je ne sais pas où je suis, je pense être seul mais je ne sais pas pourquoi. Le temps est bon, il ne fait pas froid, il fait sec, mais j’entends le vent s’engouffrer dans les étages supérieurs des immeubles ; on dirait que ça souffle beaucoup là-haut. Je vais devoir chercher de quoi manger et boire, mais comment tester ce que je vais trouver ? Il faut que je trouve une pharmacie

Jour deux

J’ai dormi dans un bus abandonné, sur la banquette du fond. Il y a deux issues, et je me sentais moins vulnérable que dans un immeuble. J’ai eu froid, le temps clément d’hier m’a trompé, les nuits sont très fraiches. Le vent est tombé et avec lui, une couche de poussière a tout recouvert. Je ne sais pas du tout de quoi il s’agit, ça n’est pas du sable. C’est gris et souple. J’ai été réveillé par des bruits métalliques. J’ai cherché un moment d’où ils provenaient, je crois qu’ils venaient d’un soupirail, mais le temps que je m’en assure ils avaient cessé. Peut-être que des gens sont là, peut-être m’ont-ils vu me pencher au soupirail ? Il faisait noir là dedans, je n’ai rien pu distinguer. Hier je me croyais seul, et cette situation m’angoissait. Aujourd’hui je n’en suis plus sur, et je crois que c’est pire. Je suis retourné à la recherche de nourriture, mais les magasins sont vides. Plus de conserves, plus rien. Si les gens sont partis aussi vite que je le crois, d’autres sont venus après et ont tout pillé. A moins que certains vivent encore ici. Curieusement j’ai eu une chanson en tête vers la fin de la journée, je ne sais plus laquelle mais j’ai été content de sentir que des réminiscences du passé me revenaient.

Jour trois

Je suis sur qu’il y a du monde ici. J’ai trouvé des traces de pas dans la poussière autour du bus, qui n’y étaient pas hier. Je crois qu’on m’a regardé dormir. Ces gens (il y a pas mal de pas différents dans les traces) n’ont pas l’air hostiles puisqu’ils ne m’ont pas réveillé, ni fouillé, mais je ne me sens pas tranquille. J’ai décidé de bouger. Au bout d’une avenue l’espace s’élargissait , je suis arrivé au bord d’une rivière. L’eau est boueuse mais le débit est puissant. Il charrie la poussière qui est tombée hier soir. J’ai hésité entre aller vers l’amont et l’aval ; vers l’amont je trouverai peut-être sa source, vers l’aval l’eau sera impropre de toute façon. J’ai pris à gauche et ai commencé mon chemin. Je me sens faible, je n’ai rien mangé depuis au moins trois jours, et qui sait depuis combien de temps et dans quelles conditions j’ai voyagé avant d’atterrir ici ? Par chance j’ai trouvé des canettes de soda dans le minibar du bus, j’ai pu étancher ma soif . Les abords de la rivière sont impressionnants, la ville est grande, si ça n’était pas une capitale c’était au moins une ville importante, mais tout est désert, et sous le soleil le vide paraît plus grand encore

Jour quatre

J’ai dormi dans un autre bus. Il a plu cette nuit et lorsque je me suis réveillé ce matin, il faisait gris mais le soleil perçait. J’ai été touché par la beauté du paysage à travers la vitre du bus, les gouttes d’eau masquaient un peu la vue, la rivière et les collines en face étaient du même gris que les nuages mais cette image me faisait du bien. J’ai trouvé de quoi boire dans des récupérateurs d’eau de pluie. Vers le milieu de la journée je suis sorti de la ville, la campagne est plutot accueillante, mais toujours vide. La musique m’est revenue en tête, c’est Cure que j’entends, mais je ne sais pus quelle chanson, surement un morceau de Faith ou Seventeen Seconds. Je ne comprends pas que j’arrive à me souvenir de titres d’albums alors que j’ignore ce qui s’est passé ces derniers temps, ni comment je suis arrivé ici. J’ai faim mais je me sens moins seul quand je fredonne cette musique. Je ne peux pas dire que je reprends espoir, mais ma situation s’améliore un peu.

Jour cinq

Les faubourgs de la ville ne sont pas très grands, je me suis vite trouvé dans la campagne. Les villages sont désertés aussi, mais la poussière n’est pas tombée ici. La rivière est plus propre. Il n’y a pas le sentiment de chaos que j’avais en ville. Pas de trace de fuite, mais tout le monde est parti. Les jardins sont envahis par les herbes, les champs sont en friche, un léger vent fait frémir les bosquets. J’ai trouvé de quoi manger dans un bourg. Les habitants avaient probablement des provisions chez eux avec leurs jardins, les magasins n’ont pas été entièrement pillés, j’ai trouvé des conserves et des biscuits, et des canettes. J’ai même trouvé du vin ! Je vais rester un peu ici. Il y a quelques commerces, j’ai trouvé des vêtements, des couvertures, un sac à dos. J’ai trouvé un mobilhome dans un camping, je m’y suis installé.

Jour six

Le soleil tapait dur ce matin, j’ai été réveillé par la chaleur. J’entendais une version ralentie et déformée d’Here Comes the Sun dans ma tête. La musique me manque, mais curieusement pas les gens. J’ai peur qu’ils soient hostiles si j’en croise. J’ai repris mon exploration des commerces, j’ai trouvé une carte touristique de la région. Je crois n’être jamais venu avant par ici , mais finalement je n’ai aucun moyen d’en être sur. Le journal qui était dans les présentoirs est daté du 9 juillet 2015, mais j’ignore quel jour nous sommes. La une parle d’incendies dans la région, des feux de forêt immenses qui menacaient de s’approcher de la ville. J’ai trouvé dans l’arrière boutique les invendus, pliés et prêts à être retournés. Il y en a beaucoup, je vais surement pouvoir remonter la chronologie des évènements. Par contre, j’ignore tout de ce qui s’est passé après ce 9 juillet. Je pense que nous sommes à la fin de l’automne, les feuilles sont jaunies, les plantes flétrissent. Si je pouvais au moins me souvenir d’où je viens. Dans une voiture garée j’ai trouvé un baladeur branché sur un chargeur solaire. J’ai été surpris qu’il fonctionne. Il n’y a qu’une seule musique dedans, un groupe qui s’appelle Harpagès. Dommage que je n’aie pas de casque.




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