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Finalement, qu’est-ce que le folk ? Comment déterminer avec certitude cette frontière floue entre folk et folklore...A l’heure où j’écoute ce disque je ne sais plus. Pas de cornemuse, mais un sens épique et chevaleresque de la mélodie magnifique. Rien à voir mais pourtant je peux vous dire que les amateurs de fantasy vont adorer (si t’aimes les jeux de rôle, les bouquins de fantasy, l’heroïc aussi, et même les groupes de speed metal aux thèmes tolkiens). Finalement c’est quoi le bonheur ? Je déteste déjà celui ou celle qui en aurais la réponse. Pour ma part, j’en ai deux idées de ce bonheur, lié au oreilles bien sûr : ce qui m’exalte par son audace et sa nouveauté, puis ce qui apprivoise mon insatiable nostalgie (oui, DirectFM en panne est aussi une belle idée du bonheur, comme quoi le silence parfois...).

Arstidir fait partie de la seconde catégorie.

Un groupe qui vient comme ce vent intemporel, mieux qu’une cure de jouvence, me faire croire en l’immuabilité des choses malgré le mouvement perpétuel (qui s’accélère bien trop ces temps-ci). Comme la vieille pierre moussue qui trônerait au milieu des gratte-ciel, pour leur rappeler de quoi ils sont faits.

Confinant au merveilleux, ce disque est rapidement devenu un véritable bienfaiteur, une nécessité.

Allez savoir pourquoi, mais c’est comme un nuage de points qui m’est apparu, plein de références éparses réveillées par leurs harmonies qui soudain fonctionna telle une madeleine de Proust. Une fois avalée, le bouchon se retire et laisse la bouteille de souvenirs se vider en vous. C’est venu comme ça : Secret of Mana, Mike Oldfield, Final Fantasy, CSNY, Dark Crystal...Blackmore’s Night, Loreena McKennitt. Tout ce qui représente à mes oreilles la rêverie douce, l’échappée, comme si j’écoutais Jorane ou Enya (Watermark parce que le reste...) sur le dos de Falcor.

Ouais tout ça ! Après j’ai repris le dessus. Arstidir veut dire saison, et cet album est un tableau automnal et hivernal. Comme tout lorrain je sens l’humus et le champignon (oui avec des relents de metal, vive la sidérurgie), aimant particulièrement l’odeur des feuilles mortes pourrissantes et l’humidité. Peut être que ça a joué aussi.

Mais il y a autre chose, car ils ont cette culture de la dissonance toute nordique. Arstidir a donc une faculté exceptionnelle à développer des harmonies parfaites, mais aussi à y glisser ce petit truc qui fait que j’aime le nord (Unni Lovlid par ex).

De l’Islande on ne connaît pas grand chose : Bjork, Sigur Ros, le miraculeux Mugison pour les plus chanceux. Mais après ? Et bien maintenant vous le savez, il y a Arstidir, un groupe qui va créer une forte attente, qui a conquis son île et bien plus. Je les ai découvert lors d’un concert Chez Paulette, avec Anneke Van Giersbergen et Pain Of Salvation et c’était magique et beaucoup d’autres furent conquis !

Dès le premier morceau de toute façon, vous serez happé hors de ce monde. Ce qui m’a le plus attiré dans ce disque, c’est donc sa dimension onirique, mais surtout sa faculté à éviter tous les clichés. A la base, c’est simplement un groupe de folk avec voix en polyphonie, puis des arrangements de violoncelle, violon et piano, rares percussions, rien pour mentir. De cette formule de base, le groupe point ne sortira, mais mélodiquement rien il ne se refusera. Si bien que "Ljod i sand" (j’ai pas les caractères spéciaux pour les accents) ouvre le voyage par la porte de la merveille épique et harmonique. Oui, c’est beau l’islandais, mais c’est surtout ce refrain qui est magnifique, un véritable hymne hors du temps, générique pour héros valeureux et solitaire au grand cœur. "Brestir" me rappelle beaucoup les meilleurs albums de Crosby & Nash alors que "Lost in you" offre une contemplation posée qui tient du génie, tant c’est entêtant tout en étant suspendu, jusqu’au second refrain qui relève l’émotion sans ajout superflu. Oui l’imaginaire dérive vite par ici. Et le beau "ord ad eigin vali" ne viendra qu’ajouter à cette impression d’écouter un groupe vous compter des légendes d’autrefois tandis que "A medan jordin sefur" vous coupera l’herbe sous les pieds avec ses sauts mélodiques. Chaque titre est de qualité égale, soigné, mais "Til Hennar" et sa résolution d’accord toute Radiohead m’a touché au plus profond. La mélodie y est très "pastorale" et imagée. La délicatesse est la reine de la saison, mais "Shades" vient en rupture avec le tout, par l’insistance de ses violoncelles à la Philip Glass. Beau, avec une urgence, on dirait un thème de b.o pour un film de Miyazaki. Et le dernier morceau, "Tarin", avec sa construction progressive, viendra renforcer la tendance du précédent, notamment avec ce passage magistral, répétitif et hypnotique, vers les 2mn.

Ce disque est un sans-faute, la b.o de l’automne et de l’hiver, d’ailleurs l’ordre des chansons va dans ce sens. Il m’a pris dans son vent par surprise, et j’ai volé parmi ses ondes.

Ici pas de mysticisme mal placé ni de grandiloquence, c’est dans la retenue, la délicatesse et la sobriété que le talent d’Arstidir explose. Et devint pour moi un groupe à découvrir absolument. Bonne découverte.




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