Radio Elvis… Un nom qui claque et qui en impose. Pourtant, si l’on voit bien ce quatuor squatter les ondes radiophoniques, aucune trace ici d’un quelconque Elvis (qu’il se nomme Costello, Perkins ou Presley). Dans une tradition finalement très française, Radio Elvis reste cramponner à une certaine idée du rock, certainement la plus intéressante et ambitieuse : lettré, atmosphérique, souvent tendu, naviguant entre pics électriques et inquiétantes accalmies, ce rock ne connait pas le repos ni la sagesse de l’âme. Parfois, comme sur l’ambitieux « Demande à la Poussière », Pierre Guénard (au chant et à la guitare électrique) se laisse posséder, entraîner dans une spirale qui étourdit et flanque la frousse. Car chez Radio Elvis, il n’y a pas de mascara : les mots proscrivent toute private-joke comme légèreté ironique pour traquer la racine, l’essentiel ; la musique est sèche, abrupte, semblable à un coup de tonnerre en plein jour ; les titres prennent le temps nécessaire pour propager leurs bénédictions…

Une écoute distraite associerait Radio Elvis au Dominique A. de « Auguri » (pour certaines accointances vocales comme pour l’emploi de mots évoquant les thèmes de la ville ou de la fuite), mais ce serait un peu trop prendre à la légère ces quatre titres qui ne doivent rien à personne sinon à leurs auteurs eux-mêmes. En un EP ombrageux, tortueux aussi, Radio Elvis se rapprocherait plutôt d’un Bill Callahan ou d’un Jeffrey Lee Pierce ; c’est-à-dire des artistes et des formations littéralement hantés (par on ne souhaite savoir quoi), des groupes et des auteurs qui triturent leurs musiques afin d’en extirper un pacte de véracité.

Pour que Radio Elvis confirme les belles propositions de ce quatre titres, il faudra simplement que Pierre Guénard ne se laisse pas tenter par trop de volontarisme vocal, qu’il refuse la mise en scène des mots pour, plus loin encore, creuser le propos qui le taraude, qui le motive à chanter et à composer. Il y a ici une source. Une source limpide. A saisir et à confronter au format album…