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Qu’est ce qu’un album de chevet ? C’est ces rares albums dont vous savez dès la première écoute qu’ils ne vous quitteront plus... C’est ces rares albums de ceux que vous croyez écrits pour vous... C’est de ces rares albums qui arrivent pile au bon moment dans votre vie, qui semblent comme en être un reflet exact mais idéalisé, comme sublimé, comme un révélateur de nous sans artifice...

Voila en substance ce qui me donna l’idée de cette nouvelle chronique "Album de chevet" que je suggérai à GDO...

Ici, il n’était pas forcément nécessaire de coller à une actualité brûlante, d’être dans la "Hype"... Plutôt parler de ces albums qui nous forgent, qui forment notre identité, que l’on peut poser comme des cartes de notre intime pour permettre aux autres de mieux nous trouver...

Ces albums qui parlent de nous, qui parlent pour nous, qui ne s’adressent qu’à nous. Ce "Life Is People" de Bill Fay, de 2012, est de ceux-là... On rentre dans ce disque comme dans son lit, on y retrouve chaleur et familiarité qui rassurent...

Alors oui, toutes les semaines, l’industrie du disque (Quel vilain accouplement) nous pond le retour ou la découverte d’un énième génie inconnu ou oublié... On se saisit de la galette et on se retrouve confronté à des mélodies sans saveur et rances, comme figées dans la naphtaline...

Avec Bill Fay, pas de malentendu... Il nous revient mais avec de nouvelles substances, de nouveaux titres ancrés dans notre temps produits avec à propos par Jeff Tweedy de Wilco d’où cette reprise de "Jesus, etc" extrait du plus grand album Folk Pop des années 2000, "Yankee Hotel Foxtrot".

Avec Bill Fay, pas de malentendu, il nous donne des envies d’absolu... De prendre toute notre volonté et de traverser la manche à la nage pour le sortir de sa tanière pour mieux le remercier de sa délicatesse musicale.

Ici, je ne parlerai pas de son glorieux passé, de ses albums édités dans les années 70 et de son inexplicable absence de plus de 40 ans loin des studios et de la scène musicale.

Je vous parlerai plutôt de son faux départ de 2010, "Still Some Light", double album qui fit un peu moins de remous... Album qui réunissait un cd d’inédits remontant aux années 70 et un second réunissant de nouveaux titres récents offrant des ouvertures à tous les espoirs...

Derrière ce projet, il y avait David Tibet (Current 93) et Michael Cashmore (Nature And Organization)...

Ce "Still Some Light" sonne aujourd’hui comme une grande répétition générale de ce "Life Is People" qui nous réunit aujourd’hui...

Où cet homme s’est t’il égaré pendant plus de quarante années ? Les choeurs gospel et le texte de "There Is A Valley" nous laissent supposer la piste d’un certain mysticisme à hauteur d’homme.

Où cet homme s’est t’il égaré ? Parmi les siens, parmi les hommes, au milieu d’eux ...

"The never ending happening of what’s to be and what has been just to be a part of it is astonishing to me"

Tout Bill Fay est résumé dans ces quelques mots extraits du sublime ""The never ending happening"...

C’est une humilité non feinte et dressée en paravent face au cynisme et au rouleau compresseur du chaque jour... C’est le regard d’un homme qui préfère les grands espaces, le vent et les falaises où l’on se sent vivant...

Grâce soit rendu à Joshua Henry, grand fan des vinyles de Bill Fay entendu dans son enfance sur la platine de son père... Comme quoi le destin des grands disques se vit à presque rien... Si Joshua Henry n’avait pas pris son culot à deux mains... Des titres comme "Cosmic Concerto" (Jason Pierce de Spiritualized court après ce genre de titres depuis des années) ou "The Coast No Man Can Tell" ne seraient jamais arrivés jusqu’à nous... Ils seraient restés prendre la poussière dans le tiroir du bureau de la maison (que l’on imagine cossue) de Bill Fay dans la campagne anglaise.

Où cet homme s’est t’il égaré ? Dans des paysages déserts où la présence humaine sait se faire discrète... Au pied des éoliennes qui chantent de doux murmures... Où cet homme s’est t’il égaré ? Dans notre temps, dans notre monde moderne, dans l’anonymat des villes qui le soulage.

Où cet homme s’est t’il égaré ? Dans le blanc des marges de cette feuille sur laquelle j’écris, dans ce No man’s land où se rencontrent la préméditation de l’idée et la paix intérieure...

"Life Is People" sonne comme le bilan d’un homme assagi, d’un homme revenu de tout, revenu de lui, revenu à lui

"When it all comes tumbling down all the palaces and parades... It’ll be okay on the healing day No more going away on the healing day Yeah we’ll find our way on the healing day"

Il faut entendre "City Of Dreams" et son texte qui nous renvoie à la futilité de nos vie consommables... Il faut entendre ses craintes de voir ses frères hommes transformés en Homo Consommobilis, à travers ces centaines de fenêtres fermées de l’intérieur. Ces faux-semblants de communication accrochées à leurs cellulaires... Rien de moralisateur ici, juste une envie de réveil...

Seulement monter cette colline avec lui, apprendre à ressentir le soleil qui nous réchauffe, à sentir la rosée qui rafraichît nos pieds nus, toujours remonter cette colline avec effort et être enfin en paix avec soi...

http://www.billfay.co.uk/




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