Faisons un petit jeu... Citez moi cinq noms de grands Songwriters américains... Mark Eitzel...Michael Stipe...Mark Linkous...Kurt Wagner...Curtis Mayfield... Bravo vous avez gagné !!!!
Mais vous m’avez surtout permis de prouver la démonstration que voici... Quand on parle de grands artistes de la musique américaine, on oublie souvent ce monsieur qui depuis plus de 20 ans poursuit la création d’une œuvre sans faux-pas, exemplaire pourrait-on dire.
Des Red House Painters inauguraux en passant par Sun Kil Moon en activité ou ses collaborations avec Desertshore ou encore ses albums en solo. C’est étrange comme une discographie aussi prolifique peut paradoxalement être aussi discrète.
Allez, avouons-le sans honte, malgré des albums sublimes (Mention spéciale au grandiose et dépouillé "Admiral Fell Promises" de 2010), nous avons pris des distances inexplicables et intolérables avec le monsieur. Vous avez eu vent du caractère ombrageux du chanteur... Vous connaissez l’exigence de sa musique qui sollicite une écoute profonde pour ne pas se laisser berner par une atonie de façade...
Mark Kozelek, car comme vous l’aviez compris, il s’agit de lui, revient avec un projet avec Jimmy Lavalle de The Album Leaf et Tristeza... Ce même Jimmy Lavalle, auteur d’albums au Post-Rock plutôt orienté électronique pour simplifier qui tutoient souvent les sommets. Sur le papier, le projet peut paraître inadapté. Unir la mélancolie acoustique à celle plus Pop du patron de The Album Leaf.
Au début, Vous êtes un peu désarçonné par ce chant différent de Mark Kozelek plus rythmique... Mais très vite, la monotonie habituelle de la première écoute des travaux de l’américain nous gagne, indice paradoxal qu’il va falloir fouiller pour en trouver toutes les nuances, toutes les richesses.
"Perils From The Sea", c’est un bouquet d’ancolies, sombre et lumineux à la fois... De ces œuvres aux airs trompeurs de monolithe. C’est un album qu’il faudra aller chercher. Vous croyez y deviner un concept, les relations humaines, l’amitié et le lien, la mort qui sépare.
Sans pouvoir vous l’expliquer, vous pensez au bel album de Lou Reed de 1992, "Magic And Loss", album en forme d’hommage à Doc Pomus, proche du vieux briscard et décédé d’un cancer.
C’est sûr, nous ne sommes pas dans des moments de franche rigolade mais nous ne sommes pas non plus dans quelque chose de plombant, nous ne sommes pas dans le constat clinique et froid... Dans les détails, couve la tendresse.
Mark Kozelek nous parle de son quotidien, de sa compagne, de décès d’amis mais la lumière n’est jamais loin comme sur le poignant et sépulcral "Ceiling Gazing".
L’écriture de l’ancienne tête pensante des Red House Painters est toujours frontale, convoquant des images comme des instantanés de cinéma, comme cet appel téléphonique tôt une matinée froide où les parents d’un de ses amis l’appellent pour lui annoncer sa mort dans un accident de voiture dans ce chef d’œuvre qu’est "Somehow The Wonder Of Life Prevals" et qui justifie à lui seul l’achat de cet album.
Dans cette chanson, cohabitent des sommets de noirceur doucereuse et des lueurs aveuglantes d’espoir.
"Every day, I get on the phone with someone and I talk It’s good to have friends who love you, care and understand Who have your back and don’t judge you, criticize you, or make demands Every day,"
Ce titre sonne comme un requiem, comme le remerciement pour les moments passés avec l’autre, disparu. Ce titre sonne comme une ode à la vie... Ces moments de rien où les mots ne servent plus, où seuls les regards comptent... Ces moments où le silence transporte vers la ligne d’horizon.
Et il y a l’énumération à la fois obsédante et rassurante de ces lieux comme des espaces de mémoire. Une énumération comme l’envie d’effacer cette terre qui nous sépare comme un obstacle de l’être aimé et disparu.
"Perils From The Sea" est de ces albums qui s’effeuillent pour mieux nous révéler notre intimité. Il est de ces œuvres que vous ne partagerez pas, que vous écouterez seul dans votre voiture à l’arrêt face à l’océan immuable et fidèle avec la pluie qui crépitera contre le pare-brise... et votre cœur qui saignera face aux périls de la mer...