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Qu’est-ce qu’une redondance ?

C’est une crainte, aussi un risque...

La crainte et le risque de se répéter, de vouloir faire mieux et plus produit, et plus d’instruments, et plus de démonstration de force que sur le premier album inaugural.

Une redondance, c’est vouloir recréer l’urgence du premier album où l’on donne tout ce qu’on a mais on a déjà perdu une certaine virginité, on se sait attendu, on sait que la surprise ne jouera plus.

La redondance, c’est que pour éviter de se répéter, on se force à être très différent de ce que l’on est.

La redondance, c’est cette volonté de pallier à cette force de travail du premier effort où les morceaux, les titres sont souvent restés à macérer, à mûrir depuis de nombreuses années.

Combien de groupes, d’artistes sont venus s’échouer sur l’écueil de la redondance,sont tombés dans la piège du "Vouloir faire mieux" pour éviter l’autre risque du "Pourquoi faire différent quand on a la bonne formule ?".

Agnes Obel, avec le très attendu "Aventine", de la redondance n’a eu que faire. De la crainte de se répéter non plus. La danoise a voulu mélanger le "Vouloir faire mieux" au "Pourquoi faire différent quand on a la bonne formule".

Vous retrouverez ici les mêmes comptines accidentées, la même noirceur légère et austère que l’on retrouvait sur le premier, "Philharmonics"... Je n’étais pas pleinement rentré dans l’univers de la belle blonde avant de la voir sur scène où l’album prenait toute sa mesure...

Je trouvais ce "Phiharmonics", par trop linéaire dans sa production, une retenue pudique qui frisait la froideur, une obsession du détail qui effleurait des véillités de lassitude chez moi.

Les morceaux semblaient se suivre et se ressembler un peu les uns aux autres. De ces maladresses de débutante, la jeune femme semble avoir pris acte...Pourtant, les ingrédients sont sensiblement les mêmes.

Il y a quelque chose de Bergmanien dans l’univers d’Agnes Obel, comme une exigence toute protestante, comme une austérité d’où émergent des flots d’émotion.

Il y a quelque chose d’à la fois attirant, accueillant et intimidant dans cet "Aventine". L’instrumental "Chord Left" ouvre l’album avec ses lignes mélodiques gymnopédiques...

Et puis nous retrouvons cette voix toute en brisures fragiles, toute en failles imperceptibles comme sur "Fuel To Fire".

Un titre comme "Dorian" est de ces musiques automnales, de ces chambres fermées dont ne filtrent que de vagues soupirs mêlés.

Quel travail de production sur les cordes comme sur "Aventine" et ce mariage délicat de violoncelle et d’alto.

Et puis il y a ce Piano que l’on sent plus classique que Pop... Je me rappelle d’ailleurs de l’ avoir vue sur scène accompagnée de la violoncelliste Anne Müller connue pour ses travaux en particulier avec le très très grand Nils Frahm.

C’est comme si la belle voulait saupoudrer toujours plus de musique savante sa Pop la faisant tendre par la même vers plus d’abstraction sans pour autant s’égarer dans des dimensions élitistes.

"Run Cried The Crawling" est le morceau d’"Aventine" avec ce patchwork émotionnel de quatre minutes et une belle poignée de secondes.

Retour au seul piano avec "Tokka" où l’on imagine une Agnes Obel absorbée qui s’égare sur les touches du clavier dans un envol impromptu.

Il a été difficile de passer à côté de "The Curse", premier single annonciateur de l’album qui reprenait à peu de choses prés les affaires là où "Philharmonics" les avait laissé... Une atmosphère, une mélancolie feutrée, des feuilles qui tombent sur le lac...

"Pass Them By" rappelle ces vieux airs Folks des Appalaches quand "Words Are Dead" vous glacera les entrailles avec sa sentence définitive. "Smoke And Mirrors",après l’interlude "Fivefold", marque l’apaisement, comme une lettre d’adieu que l’on brûle une fois le deuil de l’autre entamé, comme la brise fraîche après l’orage, comme la fatigue cotonneuse après les larmes.

Il manque peut-être à Agnes Obel un soupçon de folie, de goût pour les marges pour faire de cet album un grand grand album.

Elle n’est pour l’instant qu’une Poulidor dans le peloton de tête quand on la sent capable d’être une grimpeuse hors-pair.

A chaque nouveau titre, on sent petit à petit sa maîtrise de la mesure de ses émotions s’effriter peu à peu...

Certes, nous ne sommes pas encore dans des confessions débordantes qui la rendraient peut-être un peu moins iconique mais Agnes Obel semble accepter de se révéler un peu plus.

On peut s’étonner du grand succès de son premier album avec une musique effectivement d’apparence mélancolique et accueillante mais se révélant en dehors de certains standards formatés et normalisés de la musique populaire.

Rien de révolutionnaire donc dans "Aventine", rien de redondant non plus... Juste une artiste qui sait se rendre nécessaire, attachante à chaque écoute et c’est déjà beaucoup.

www.agnesobel.com/‎




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