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Sentez-vous le bois qui travaille entre vos doigts ? La terre qui s’effrite dans ces grains de poussière ? L’ombre qui s’étiole dans la lumière ? L’empreinte dans le sable qui ne sait plus ce qu’elle veut dire ? Parfois, vous vous sentez vide, comme au bord de vous-mêmes, comme au bord du gouffre...Parfois, vous vous sentez particule... Parfois, vous ne sentez rien...

Avez-vous déjà ressenti toute la puissance d’un lieu ? Avez-vous déjà fondu en larmes sans vous l’expliquer ? Avez-vous déjà brûlé vos peurs et vos colères comme de vieux oripeaux qui n’en peuvent plus de se recycler encore et toujours...? Avez-vous déjà lâché prise avec vous-même ? Avez-vous déjà baissé le masque ? Avez-vous déjà perçu le souffle des esprits dans le bois, dans la matière vivante, dans l’humus organique ? Avez-vous parfois regardé les feuilles mortes qui tombent des arbres ? En avez-vous deviné la douleur, la menace ?

Avez-vous déjà vu cette silhouette près de ce lac en hiver ? Avez-vous déjà pleuré comme un enfant qui n’en peut plus de pourrir ?Avez-vous déjà été hanté par ces murmures qui montent des eaux froides ?

"Wooden Spirits" de Winter By Lake sera ce vecteur, cette mescalline, cet agent pertubateur, ce révélateur comme ce papier magique que l’on plonge dans ce produit opaque et où l’on devine les traits d’amis disparus qui se dessinent dans le rouge écarlate de la pièce fermée... "Wooden Spirits", ce sera votre table d’Oui-Ja, ce sera des fumées d’invocation, ce sera des détails qui deviennent remarquables... Ce sera l’obscurité, seulement l’obscurité...

Avez-vous déjà remarqué comme on perçoit bien plus ce qui nous entoure quand nous sommes dans le noir complet, comme on prend conscience des objets, comme on est aux aguets dans une fébrilité qui touche à l’angoisse ? Il faut savoir aimer l’obscurité comme il faut réapprendre à aimer l’ennui... Il faut savoir apprécier la monotonie, la lenteur, la torpeur... Il suffit d’être bien accompagné, de savoir où regarder, de savoir où sentir...

Ecoutez "Night Birds" et vous les verrez ces oiseaux enflammés qui fuyent vers les montagnes et leurs neiges éternelles... Entre la fraicheur de Tunng et la noirceur illuminée de Sébastien Schuller, Nicolas Cancel courbe l’échine et monte encore dans ces sentiers escarpés comme des plaies qui suppurent...Tout craque, tout grésille, tout crépite dans "The Darkest Hour" comme une réponse au chant fluet de "Weeping Willow"...

Avez-vous déjà senti la spirale qui vous enserre toujours plus ? Avez-vous déjà vu ce cercle qui tourne jusqu’au bout du bout de l’usure... ? Avez-vous déjà entendu les cris de cette roue qui hurle en vous ? Avez-vous déjà vécu ces chutes verticales ? Avez-vous déjà pesé toute la puissance de la vague qui approche ?

Un jour, c’est inexorable, nous tomberons et ce jour-là, la musique qui nous accompagnera dans notre chute, la dernière note qui résonnera dans nos yeux avant que notre corps ne se disperse, ce sera à coup sûr "The Fall"....

Et nous nous relèverons encore pour poursuivre notre chute...

Nous cracherons, nous vomirons notre bile...Nous naissons déchets pour finir déchets, retour à la poussière... Longtemps après notre passage, la roche sera toujours là, les vieux arbres aussi ... Cet "Old Tree" nous oubliera bien vite...Créatures de rien et futiles... Jamais, non, jamais, nous n’oublierons nos attirances pour ces mondes d’en bas, ce bleu doux et liquide où vivent des "Odd fish"...

Rien n’est blanc, rien n’est gris... Tout est monochrome, multicolore et indolore... Tout est éteint sauf la lassitude généreuse de "The Curse". Nous chercherons nos pères dans ces couloirs sonores et aux néons froids, nous entendrons nos mères en larmes, abattues sur ces chaises de bois... Nous aurons ces mauvais pensées comme des retours à la faiblesse, nous serons enfin libérés... Nous serons les prochains qui ...

Dans ce corps qui s’effondre, dans ce regard qui s’égare, dans ce torse qui s’essoufle, dans cette main qui se crispe, nous sentirons l’évidence des "Wooden Spirits", ces pâles copies de souvenirs de rires, de pleurs, de courses contre le vent, contre le temps, contre la violence que l’on se fait, que l’on s’impose...

Silence blanc dans cette pièce blanche trop propre... Ce corps qui n’en finit pas de s’épuiser, de ne pousser plus les points de suspension avant le vide, avant l’effroi...Toujours repousser la fatalité, toujours éloigner les "Dead man’s bones".... Et puis il faut bien accepter le silence, il faut bien assumer l’immobilité, il faut bien laisser partir... Il faut bien accepter que "The War Is Over" , il faut l’accepter et se relever et quitter cette chambre où il n’y a plus rien, plus rien...

"Wooden Spirits" de Winter By Lake n’est ni triste ni gai, ni beau ni laid, ni utile ni accessoire... Il est juste nécessaire