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Vous voulez que je vous dise ? J’ai toujours adoré les sales gosses, les mauvais élèves du fond de la classe à côté du radiateur. Je les ai trouvé toujours plus attirants que ces odes au conformisme qu’étaient leur congénères des premiers rangs.

Car finalement, on apprend à marcher au pas dès l’école. Certains refusent et prennent d’autres chemins.

J’ai toujours une attraction pour ces sales gosses, sans doutes des vestiges de mon adolescence.

Quitte à passer pour un vieux con (que je suis sans doute un peu), j’assume mon âge, ma bedaine qui gagne du terrain , mes rides qui prolifèrent. Soyons honnêtes, quitte à ce que je passe pour un sale gosse. La techno festive au mieux me casse les oreilles et les pieds, au pire m’emmerde. Voir cette viande fraîche et avinée qui se dandine dans les raves ne me procure aucun plaisir.

La rencontre avec la musique électronique chez moi passe par la performance, l’effort, la mise à l’épreuve.

Je préfère les musiques régressives, intransigeantes d’Aphex Twin, d’Autechre, de Venatian Snares qui cachent derrière une austérité en trompe l’oeil une folie non maîtrisée à celle plus artificielle, plus conformiste des élèves du premier rang, bons élèves mais tous pareils.

Car ceux-là sont sans doute bien trop étriqués dans les limites du bon goût, de ce qui se dit, se fait pour être réellement abrasifs.

Je préfère ces autres qui n’acceptent pas de prendre nos oreilles dans les sens du poil , de les passer au tampon Jex, d’y foutre de l’acide, de bien mélanger avec de la Javel.

J’ai un souvenir d’un concert de Squarepusher à la Route du Rock et du concert radical de Thomas Jenkinson qui avait fait fuir son lot de hipsters frileux avec cette ironie sarcastique comme un beau doigt d’honneur aux snobs.

Vous savez, un peu comme ces plaisirs coupables que l’on ressent à voir des corps bodybuildés et des blondes siliconées se faire tailler en pièces par les Piranhas dans ce remake du film de John Landis comme une blague assumée.

La musique de Squarepusher, c’est tous les gestes obscènes aux limites, au conformisme ambiant mais il ne faudrait pas limiter son travail à juste un bidouillage potache. C’est bien plus que cela. Oser étreindre un jansénisme sépulcral à l’érosion industrielle puis alterner sarcasme massacrant à une poilade lobotomisée.

Chez Squarepusher, il y a ce désir permanent de construire/déconstruire. de salir ses mélodies, de les corrompre, de donner une certaine idée de son chaos intérieur non sans une part certaine de second degré.

Certains crieront à l’arnaque, d’autres au génie, Thomas Jenkinson lui s’en fout royalement.

Chez lui, une certaine idée déviante du "Wall Of Sound" si chère à Phil Spector. Pourtant, celui qui saura être attentif finira par cerner une forme étrange de cohérence au sein de ce magma brûlant. Il faut dépasser le stade de la flamme, pénétrer plus profond dans ce désordre général comme dans un théorème confus.

On peut qualifier la musique de Squarepusher d’expérimental mais au sens de l’expérience que l’on vit, que l’on subit .

Eprouvante certes mais passionnante. Mal rangée certes mais riche. Abrasive certes mais à qui saura s’y attarder pas ingrate en récompense.Réaffirmez votre côté sale gosse. Faites crisser sur le tableau noir la craie. Faites du bruit, emmerdez vos voisins, reveillez les avec le boucan sauvage de Squarepusher.

http://squarepusher.net/




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