Avant d’admirer Jan Morgenson pour son talent, je l’ai admiré pour son courage. Et à l’heure de ce live je me réjouis d’en voir les fruits. Peu pourraient faire ce qu’il fait. Non qu’il soit virtuose (bien que, mais ce serait le résumer bien tristement), mais surtout qu’il faut un sacré courage et pas mal d’audace et de conviction pour aller jouer seul de l’american primitive avec une guitare sèche, en instrumental.
Il a du en essuyer des défaites, il a du avoir mal parfois. Mais jamais il n’a douté. Et à force tous ceux qui le voient n’ont plus aucun doute non plus, car il leur fait vivre un moment unique, gravé ici pour mieux nous donner envie d’aller le voir. Car oui, Jan Morgenson est un plat qui se mange live.
La prise de son rend bien l’ambiance de la salle (une église) et me fait surtout regretter de n’avoir pu l’y suivre. J’imagine l’atmosphère qui devait y régner. J’imagine seulement, mais bientôt je le vivrai car à la prochaine j’y serais. Ce disque est un appel à ses prochains concerts autant qu’une compensation pour ceux qui ne l’ont pas encore vu. Mais ne soyez pas trop déçus, car notre petit homme commence à rouler ses cordes de plus en plus loin et de plus en plus souvent. A l’écoute de ce disque vous comprendrez pourquoi : parce que c’est avant tout une expérience qui prend toute son essence dans sa singularité, dans la vocation qu’il s’est donnée. Celle de suivre les voies de John Fahey, continuer ce chemin qui n’en est justement pas un. Défricher sans règle, avancer sans logique autre que le plaisir de la mélodie et de l’atmosphère dégagée. Ses contemporains l’apprécient aussi et l’accueillent comme un ami (Chuck Johnson...).
Un set de sept morceaux parmi lesquels "Concatenation" qui tient de l’acte héroïque sous forme d’épopée acoustique (12 mn de bravoure !) tandis que "Fret" glisse dans les terres arides qu’avait si bien évoqué l’inévitable Ry Cooder. "Der Schall" évoque en beauté un ami commun, ou comment dire du bien de quelqu’un avec la force et la sincérité que seule peut conférer l’absence de mots.
"Grotesque" est donc un témoin, une trace de ces morceaux tels qu’ils furent vécus ce soir-là, sans le mensonge des artefacts derrière lesquels tant se cachent. Un live de Jan Morgenson ne ment pas (d’ailleurs son dispositif ne permet pas le mensonge), à chaque fois le ressenti est différent car directement lié à son état d’esprit du moment. Il faut le prendre tel qu’il est car c’est ce qu’il offre de mieux, replaçant ainsi l’humain au centre de la musique.