À l’instar du silence, le bruit est parfois séduisant. Au début des années 80, Jean-Luc Godard, dans des œuvres telles que Prénom Carmen ou Je vous salue Marie, entrecroisait les pistes sonores jusqu’au brouillage sensoriel, jusqu’au chaos de l’ouïe. C’était parfois abrupte mais étrangement harmonieux (je me permets de citer Godard en exergue d’une chronique de disque car, finalement, les films du Suisse s’écoutent autant qu’ils se regardent – ce sont des partitions symphoniques dont l’image répond à la bande son). Dans le rock, ce brouillage revêt diverses formes, du fascinant à l’épuisant : l’attaque frontale (Subrosa), la décharge juvénile (The Stooges), le cri primal (Nine Inch Nails), la lourdeur pesante (le metal, le hardcore), le trip sous fumette (My Bloody Valentine)… Il n’y a que dans un seul domaine où le bruit use les tympans et fatigue l’auditeur : la propreté. Nettoyées, habillées convenablement, les extrémités (surtout dans le registre de la techno hardcore) donnent l’impression d’une musique qui cherche ici l’idée du bruit plutôt qu’elle ne s’en remet naturellement à la violence, à l’explosion des enceintes. Voilà peut-être ce qui sépare le « bon bruit » du « mauvais bruit » (de même qu’il existe une différence entre le « bon mauvais goût » et le « mauvais mauvais goût ») : s’il n’est pas naturel, s’il obéit à la question du volume au lieu de répondre à la logique des compositions, le résultat ressemblera à du gentillet, à du neutre.
Dans le cas du duo Noise Generator (dont on avait aimé et défendu les précédents No Rest for the Unseen et Wise and Wicked), c’est encore autre chose : le bruit découle du plaisir ludique à envoyer du gros son, à tout banalement s’éclater au chant et aux machines. Plus qu’auparavant, Kshoo et Laurent, malgré le tabassage en règle, injectent du déhanché dans leur apothéose sonique, du groovy dans le métallique. Car si Warning (nouvel EP quatre titres) poursuit dans une veine typiquement Noise Generator (voix chantée / hurlée, guitares rentre-dedans), la nouveauté consiste aujourd’hui en des rythmiques dansantes, presque pop (pop, au sens où l’on parle de Noise Generator). Warning pourrait effectivement renvoyer à cette étape, vérifiée chez beaucoup, où la déflagration, tout en cherchant la puissance Mach 3, n’est mise au service que d’une seule chose : l’adrénaline, la virulence communicative (comme, hier, Primal Scream avec XTRMNTR ou Aphex Twin avec Come to Daddy). "Fuck French Music Industry", y est-il dit…