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Tisiphone est une des Érinyes, déesses persécutrices, elle est donc la déesse de la vengeance… Partant de là :

Je me considère, et ceux qui me connaissent le savent, un auditeur plutôt porté sur le mélodique, sur les plaines douces et les rivières, je suis plutôt du côté lumineux. C’est sans doute du a cela que, suivant la règle de l’Art de la guerre de Sun Tsu je me dois de connaitre mon ennemi, mon anti moi. Bien sur ma jeunesse a touché a ce type de griffure, bien sur mes oreilles ont bu de ce type d’apocalypse, simplement parce qu’il y a besoin de ça, besoin de ce déglinguage de Marquis de Sade, de cette hypnose de Test dept., besoin du froid de Grauzone. Alors après une fin d’année à festoyer sur le folk et le dream, j’ai décidé d’entreprendre le régime métallique, de retrouver la colère des sens, de me replonger dans l’obscure épaisseur de l’âme. L’école majeure de cette cold wave industrielle et aux sens du bout des nerfs est teutonne, nul doute, l’esprit germain, le nord est une terre fertile pour cet expressionisme sonore, pourtant, Tisiphone est un trio Lyonnais de multi instrumentalistes et performers tombés dans la lumière de l’ombre. Clara, Léonard et Suzanne se dessinent comme des chercheurs de nerfs, des défricheurs de l’âme, et creusent en profondeur les faces cachées de nos lunes. Leur projet est strident, enragé autant que dépressif, et beau, surtout, beau, et surprend par sa maturité. Dignes enfants de l’industriel et de la psychanalyse, ils ont, d’une manière plus ou moins autodidacte, décidés de suivre du bout de leur musique, cette fine trace de lumière qui enveloppe nos corps d’ombres. Je me dois ici de préciser que leurs expressions sonores sont appuyées sur scènes par l’illumination de Kamille et la fine ouïe de Fred, ce qui fait de Tisiphone un projet ambitieux de sons et visions. Je me permets d’insister sur tout le plan visuel de ces artistes, des clips bien ouvragés, des masques sans dénominations, des obscurités qui jouent entre les maigres faisceaux de lueurs, des vapeurs qui perdent la réalité, et j’aime les gens qui osent le métissage entre le vue et l’écouté. Il y a toujours eu un élément fortement visuel dans ce type de chaos émotionnel, et nos trois compères et leur cohorte ont tous touché de prés ou de loin a l’art de l’interprétation, ce qui ouvre souvent l’esprit et pourvoit la musique d’un plus de liberté. Tout cela abouti a un disque (à voir sur scène, sinon sur les plateformes visuelles d’internet) où le chant, entre lamentation et shamanisme, révèle des épopées épiques, contes furieux et spleenesques, dont les viscères et ailes sont des sonorités brutes, a peine ciselées, naturelles comme les sensations, cruellement humaines. Les mélodies sont des marteaux, des scies et des sifflets de dards qui frôlent les nerfs, entre la colère et l’abandon, de longues litanies et des souffrances qui s’habillent pourtant de la clarté de la richesse. C’est un disque lourd en transes, je veux dire par là qu’il déroute de tant de routes, qu’il perce tous les aspects de la tristesse comme de la puissance, un disque qui semble un dialogue entre l’âme et le cœur, la force de cette essence humaine qui ébranle la chair et bouleverse l’esprit, un disque touche a tout sensoriel, de ce Blind qui se danse macabre a ce Black Velvet qui cache nos laideurs dans un diamant, et puis le superbe Where are you, couteau abandonné dans nos plaies, qui bouge encore, qui bouge encore. Du côté des influences, je ne crois pas qu’ils soient avides de cela, bien sur leur musique a des origines, mais je crois sincèrement qu’ils cherchent plutôt a égarer leurs repères qu’a les trouver, les rêves ne se contrôlent pas, et leur ambiance tient autant du rêve que de la douleur, un sage équilibre onirisme-peine d’où surgissent plus aisément les paradis et les enfers, je crois donc fermement qu’ils aiment se perdre dans leur univers, c’est la seule manière de le découvrir, et ils s’y découvrent, talentueusement. Alors, pour déesse de la vengeance, voici un plat qui se mange froid, mais nourris énormément de plaisir.




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