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La musique est un don qui se vie les yeux clos, J’ai cru en cette maxime parce que, par chance, j’ai l’imagination suffisante pour voir des formes et des couleurs s’allonger sur l’échine des sons, pour décrocher de mes mémoires de gosse ou d’amoureux des instants dont le visuel colle a la mélodie, j’ai la chance de voir les musiques. Cela n’est pas inné, cela se crée peu à peu quand les émotions vous frappent les tempes et la plèvre, et la chanson, n’est-elle pas le summum de l’expression, de la sensation, du frisson ou de la rage, du dégout, de la défaite, de la lumière ou du baiser ? Bien sur, on arrive à mentir le son, a le tourner, le détourner, a s’octroyer d’autres vies, a oser dans l’impunité d’un carnaval samba, de vivre fantaisies jazz, d’imaginer une héroïque fin sur le requiem. Je m’égare. Ors donc je savoure et profite comme un gamin des panoramas que m’offrent ces musiciens, ces compositeurs et ces poètes. Mais que se passe-t-il quand les paupières doivent s’ouvrir, que ces portails de fines pellicule se doivent de vivre la lueur et de mettre a jour la réalité pure et dure. Que ce passe-t-il quand le rêve se doit de s’achever ? La musique a des limites dans les yeux fermés, la fantaisie et le rêve ne sont là qu’en contrepartie du vrai, du réel. Dans nos journées d’ebêtés, comment se voit la musique ? Heureusement pour nous, il existe des petits génies quotidiens qui ont le don de savoir de nos faiblesses, et s’appliquent à effacer nos détresses. Les plus grands artistes, les plus grands et conscients musiciens, Bowie, en tête, ont compris l’importance de l’image pour le son, et vice-versa, parce qu’il y a des gens qui ont du mal a survivre sans le visuel, et d’autres qui ne conçoivent la musique sans réalité, et parce que certains, comme moi, même affublés du don des yeux clos, ont besoin de sentir le rêve en pleine réalité, nous, humains, nous avons des limites que seuls les autres peuvent effacer. Et dans ce sauvetage, apparaissent Proksima. Une fois n’est pas coutume, il faut juger le travail de maitre-rêveur sauveteur dans son interminable, j’espère, ensemble, on ne peut traiter leur travail sur un dernier jet, ni un tir déjà lointain, ni sur un ricochet dans le futur, si quelque chose émane de ce groupe, c’est l’ensemble, l’alignement des planètes, la coïncidence parfaite, l’unisson. Ce cerbère à trois têtes nous interdit la porte de l’enfer pour nous laisser l’option du paradis, vu de cette manière, j’embrasse ce chien tricranèen. Pour ces trois artistes, Paola, Anouchka et Elodie, la musique ne se divise pas en trois, sinon qu’elle s’ajoute, chacune du bout de son art, respectivement, musique, geste et image, et chacune au bord de l’art de l’autre. Alors voici l’antidote a l’insomnie de notre imagination, voici la porte ouverte à voir sans fermer les yeux, le concept est connu, mais ici, en plus, il est heureux.

Je me répète sans cesse le difficile qu’est de rencontrer l’âme sœur dans tout terrain que ce soit, ces réunions de super-héros de nos bd d’enfances sont des utopies que la vie, autant dans le secteur réel que dans le sentimental, nous fracture plus d’une fois. A mon époque de Beaux-arts, nous avions tous un manifeste à proposer comme une secte à créer, mais les adeptes vont de un en un avec leur propre pamphlet. D’ici la grandeur et le respect que j’ai pour ceux qui y parviennent, même à un niveau basique, ces mouvements d’engrenages parfaits sont peu nombreux à atteindre une réalisation parfaite. Je crois en l’effort de Proksima, je crois qu’elles ont la potion secrète, simplement, elles se sont bien trouvées, un alignement de planètes merveilleuses où chacune est un soleil éclairant l’autre. L’osmose est parfaite, dans le sens que le sentiment, la plaie, la chaleur, l’espace, est partagé, que cela soit un geste, une strophe ou une mélodie, ce n’est pas un hasard, ce n’est pas parce qu’elles se connaissent, c’est surement plus parce que leurs émotions se côtoient dans un vécu partagé, même a de longues distances, l’osmose n’est pas de vivre coude a coude chaque bribe de jours, sinon d’avoir le même langage, la même définition, pour exprimer chaque chair de poule, ceci est une coïncidence, heureuse coïncidence, fusion de personnes. Cela ne serait être suffisant pour que mon plaisir encre cet espace, l’ensemble, en plus d’avoir une cohérence a trois tête, a un gout superbe pour la composition, le phrasé et la danse, je parle ici de gouts personnels, dont je n’ai doute qu’il en soit autant pour d’autre. Un univers de lueurs et demi-nuits, de faiblesses et soulèvements, d’extases sonores et de verbes hantés, de petites révoltes et moments de paix, des narrations audio-visuelles qui vous propagent dans tous les mondes, sensuels comme une féminité, blessant comme une femme, attirant comme une femme. Si l’apparition de Dominique A a leur côté leur donne une certaine richesse, elle ne ce doit qu’au bon choix dudit monsieur A pour les états d’âmes lumineux, pour le travail bien ciselé, et le propos bien harmonisé, cette présence n’est qu’un détail (beau détail) dans une cave d’Ali Baba. Bien sur, ma passion est la musique et je mets en avant le travail de Paola Cardone, pour qui le piano est chair de poule, feu et flamme, l’allongement, l’étirement de l’âme, un piano qu’elle trompe parfois dans les samplers et les sons de ses rêves et vies. Elle y est intense, blessée, puissamment blessée, répétitive comme des adieux qu’on n’oubli plus, "Vulnérable" est une gravure entre l’aine et le cou. Envolant et volage, dressant, domptant le classique jusqu’à le rendre sauvage, rythmant de guerre et d’air chaque pièce, couchant couche a couche chaque émotion dans des sonorités qui se contrastent comme le fait l’amour. Paola envoute, rapt, enlève, vole, et étouffe nos corps dans des espaces de danses, puis, pour nous transpercer, de temps en temps, elle dépose un texte d’Anouchka qui fait lame, qui fait mal, mais dont on adore le toucher, le tranchant. Plus portée sur l’instrumental (elle a cet art de tout dire dans le silence de la gorge et la présence des doigts), elle a un beau talent pour chuchoter, narrer les proses de son amie, dessinant des autoportraits d’elles et d’autres véridiques et véritables, Paola a une profondeur illuminée, un don obscur pour trouver la lumière ("Une nuit", magnifique petite plaie). Loin de moi l’idée que Proksima ne soit que cela, loin de tout, il y a un support pour cette architecture dont le luxe pourrait peser sur le sol. Je n’envisage ce "Rituel" sans air brassé a ses alentours, sans le mouvement visuel de ses vagues, sans le bout des ongles sur les aigus, sans le torse tordus dans les graves, sans les mèches pour attiser la poudre. C’est là que joue Anouchka Djurdjevac, danseuse émotionnelle dont l’ampleur expressive touche ce monde et l’autre, et puis d’autres qui pourraient nous échapper. C’est une gestuelle expressionniste, une lointaine école allemande qui désire pouvoir dessiner la profondeur de toute chose, qui s’affronte a la délicatesse des gestuelles nippones, une mosaïque de mouvements sans domiciles fixes, saccadée comme une douleur, sensuelle comme un plaisir, véritable océan sur les plages sonores, parfois houle, parfois victime. Elle, comme Paola et Elodie Murtas, ne font pas cela gratuitement, il y a comme fondement, je crois, une quête, chacune d’elles se cherchent, tentent de s’expliquer, de se définir, et grandissent a mesure qu’elles se découvrent, c’est donc un groupe de mutations personnelles et intimes, et pour qu’il y ait un aboutissement, pour qu’existe l’impact de ce travail de sape de la connaissance interne, il faut une image, il faut une preuve de ces changements. Entre en place le travail pictural d’Elodie (je ne dirais troisième pièce du trio car aucune n’est le un, ni le deux, ni le trois), membre visuel de cet audio. Elodie est metteur en scène, la manufacture d’image (nous sommes dans l’ère des regards sans limites d’internet), épaulée par Les deux autres anges de Charlie, elle est une notion intime dans cet espace qui lui est réservé, rendre public les détails, son œuvre est protéger les faiblesses, le naturel, le songe, tout en déclamant les talents que distillent ses coéquipières, c’est un travail de funambule où il faut jouer fin… autant dire que sa finesse est innée, elle capte l’angle exact de la peau, la couleur parfaite du son, l’âme et le mouvement se font scènes, fonds, décors ou protagonistes, autant l’on reconnait Paola dans le bleu d’une piscine, comme l’on peut entendre Anouchka dans un plis de peau. Ce tout que sont ces trois, offre alors un univers compact, entier, impossible de limiter tant les portes s’ouvrent, tant l’air passe, tant bat le cœur, univers d’histoires lourdes de vies, ces vies qui s’abreuvent de tristesses, de quiétudes, d’abandons et d’amours, d’autres dimensions, d’autres lieux. Il faut avoir la curiosité, et quelque part, la vaillance de poser un pied, une oreille, dans ce maelstrom si bien orchestré et réalisé qu’est Proksima, et leur trois disques, "Léthé" en 2011, "Mon cœur se bat" en 2014 et le récent et prodigieux double "Diagonale" composé d’un disque chanté et d’un disque instrumental aussi défiants et émouvants l’un que l’autre, sont trois manières de ressentir et de dire, de voir et de danser, une trilogie a n’en vouloir de fin. Reste à vouloir s’offrir cet instant de trois en un et découvrir ces plus loin de nous, ces nous plus profonds.




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