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Le fil de l’eau où se baignaient les mioches, le fil de l’eau est une matière impalpable et invisible, pourtant c’est une frontière, assez puissante pour définir l’état d’air et l’état d’eau, ni un dieu, ni une science, la poésie est un pouvoir similaire, la musique est une des rares manières de visualiser cette ficelle virtuelle qui empêche le vent d’être vague et la lame de fond un envol. Et l’on parle ici de poésie parce que grand part de ce disque réside là, dans l’immatériel mur de contention qu’est le mot, qui ne se voit que quand la musique le traverse, a la manière d’un vitrail, a la manière de la foudre. Cette « Innocence sauvage a un calme de nerf coléreux, a peine perceptible, la pression un peu plus forte sur certaines syllabes de la mâchoire, c’est aussi un certain laisser aller dans la plaisir, cette envie bien humaine de fainéanter dans l’absolu onanisme, de flotter sur cette ligne d’eau, surface des jours, profondeurs des nuits. Nos imprudents en question auront l’imprudence de dire, un certain dialogue d’ange, critiques de portraits d’hommes d’ici-bas, qui donnent peine et dont on reconnait les luttes, les anges savent de quoi ils parlent, assis sur notre épaule droite, alors que les démons se serrent à gauche. Nos imprudents, enduits de cette chanson française qui se nie à abandonner le bon gout a la vitesse et au stress, qui boit de la Nova bossa nova comme de cette folk imprégnée des Moustaki et Brassens, a l’image de Bertrand Betsch (qui pose d’ailleurs sa patte sur « Colère »). Il y a cette âme de promeneur de Paris que Daho parfois émane, cette imagerie de ruelles nostalgiques des plantes vertes qu’avait Manset dans ses premiers clichés, il y a surtout une envie presque drogue de tisser les mots entre les cordes pour faire du beau, qu’importe si on le parle plus qu’on le chante, avec ce ton grave d’un Cohen moribond (attention aux fauves blessés), l’ensemble demande justement cela, la diction profonde d’extraits de vie qui circule sur les aigus des instruments, de cette guitare surtout de Vincent Russo, naturelle, touchée par la beauté de l’étincelle, la batterie douce de Julien Russo, la basse océanique(entendez vous le son d’une vague a des milliers de kilomètres au large ?Non ? Pourtant elle est la cause de l’écume) la présence de Sébastian Espinosa qui est l’ombre sans laquelle on ne saurait qu’il fait soleil, les légères coutures des percussions de Miguel Angel Mino et puis, comme l’onction versée sur le front des rois, la voix du conteur, le narrateur des petites choses infraordinaires qui deviennent doses d’art dans ce phrasé sensuel et chaud qui cache maladroitement les désamours et les éraflures. Cette sauvage innocence est un moment de poésie offert, grave, profond, élégant et peaufiné, un travail sérieux dans l’intérieur des émotions, qui n’invente pas la chanson, mais éprouve le frisson, et c’est là l’importance de la musique, nous faire sentir la vie, le temps que dure chaque chanson, éprouver l’existence, dans tout ce qu’elle a de sauvage, dans tout ce qu’elle a d’innocence. Les mioches ont plongés, ils ont brisé ce fil de l’eau, cette frontière est faite pour être transpercée, et ainsi mérite d’être bouleversé ce disque, d’être écouté dans son ciel comme dans ses lames de fond, de rendre visible les limites d’une onde de choc sourde, d’y tendre cœur et peau dans les instants les plus différents, contraires et opposés possibles pour en happer les pigments, ce disque mérite toutes intensités, pour en mesurer le talent.




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