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  • 1er novembre 2020 /
    Oniri 2070
    la magie se cachait entre deux arbres d’un parc public

    réalisée par Ludovic Bu

Un parc public, exceptionnellement ouvert pour la soirée, quelques allées à parcourir pour trouver le repaire. Un drap tendu entre deux séquoias protecteurs nous permet de confirmer que nous sommes au bon endroit. Quelques chaises posées à distance les unes des autres, virus oblige, deux vélos posés de part et d’autres de trois tables, sur lesquelles reposent ordinateurs, looper, tablettes, micros, appareil photo et… plein de choses indéfinissables. On découvrira plus tard que tout ce mélange de petits objets aux contours variés sert à faire en direct des vidéos hypnotisantes. Car, comme tout le reste, tout se fait sous les yeux à la fois écarquillés et enivrés par toute la magie offerte par l’Organic Orchestra.

Ce dernier présente “Oniri 2070”, une création itinérante et autonome en énergie. L’idée est simple : imaginer comment on fera de la musique à partir de 2060, après l’effondrement de la civilisation actuelle. Plutôt que l’horreur d’un Mad Max, “Oniri 2070” offre un voyage poétique, sonore et visuel. Juliette Guignard, Alex Machefel et Ezra, les trois artistes, nous font voyager dans un archipel fantastique et mouvant, parsemé de témoignages glanés au gré de leur route (la seule partie enregistrée du spectacle).

Ezra joue de sa voix, de ses cordes vocales, et de plein de petits instruments dont il triture les sons via des boucles et autres effets. Juliette Guignard dit des textes en français, en chante quelques uns dans un anglais proche du gallois, aux R roulants, et navigue sur la proue du vaisseau. Et Alex Machefel manipule avec mille précautions et une minutie délicate ses petits objets, ses filtres, ses lumières, ses caméras, pour illuminer tout l’univers sonore des deux autres. Tout cela est lent, doux, profond, passionnant, entraînant.

Le parc, lieu naturel et inhabituel pour un concert, souligne la beauté du spectacle et la pertinence du propos : les projections involontaires sur les arbres, les bruissements des feuilles, les ombres tamisées, les lumières évanescentes des habitations alentours donnent un air d’ère post-écroulement propice au spectacle. Et le hululement métronomique d’un hibou, perché un peu plus loin, a ajouté une touche organique à cette splendide musique électronique. L’effet waouh et vivant amplifié !

Evidemment, le fait que le spectacle soit autonome en énergie et transportable à vélo, et qu’il consomme moins d’1kWh pour chaque représentation, l’équivalent d’un projecteur dans une salle de spectacle ou d’une machine à laver, est un immense avantage. Il peut se jouer presque partout, d’autant que le seul kwh est produit par deux spectateurs choisis un peu au hasard dans le public et qui pédalent pendant les premières minutes du voyage. Un dispositif scénique des plus simples à mettre en place, et un résultat final dépassant largement ce qu’offrent les technologies les plus énergivores.

Les voitures ne rouleront peut-être plus à la fin de ce siècle, les avions seront probablement cloués au sol, mais “Oniri 2070” prouve qu’on pourra toujours faire de la musique. Et pas n’importe laquelle : envoûtante, magique, et écologique à la fois. “Oniri 2070”, un temps suspendu, magnifique, écolo. Courez voir ce spectacle ! Ou pédalez-y.

La page Facebook : https://www.facebook.com/cieorganicorchestra



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