Un disque comme « One Velvet Morning » est une bénédiction pour un auditeur qui aime qu’on le déstabilise, ou que tout du moins on ne le prenne pas juste pour un c.... un acheteur de disques. Un disque comme « One Velvet Morning » est un cauchemar pour cet auditeur quand il doit en faire une chronique, laissant transparaître un tant soit peu le bonheur que le disque lui procure au fil des écoutes. Sans dévoiler les secrets de l’art mineur de la chronique musicale (je parle d’art mineur pour ADA, nous savons qu’ailleurs, nous atteignons des sommets extatiques, qui font que nous finissons par nous demander si l’art et la critique n’ont pas inversé leur rôle, leur position hiérarchique) des papiers viennent plus facilement que d’autres, surtout quand le lien se fait naturellement, quand le disque est source où tout coule (là c’est un jeu de mot à peine honteux).
Services est un trio de Minneapolis, ville qui est pour nous un point névralgique depuis que Sugar et Bob Mould y ont fait fondre l’ensemble des stations électriques de la région. Si je voulais schématiser, Services est un groupe « Arty », qui dans l’esprit serait un genre de Soul Coughing noisy et dansant (si vous aimez danser avec un début de dégénérescence vous facilitant la désynchronisation).
Services c’est de l’after quelque chose (quand on est un mauvais chroniqueur, on peut se permettre ce genre d’étiquette) une sorte d’avant-garde, dans laquelle la mélodie est polymorphe, le son maître à bord, la pulsion ne devant être réfrénée. Le trio donne l’impression de ne pas jouer ensemble, nous noyant (l’écoute de « My Friend » n’a pas fini de vous donner des sueurs froides en voulant la détricoter.) jouant des fausses pistes devenues vraies, élaborant une déstructuration non pas du son, mais du format. Le chant y est presque inexpressif sauf quand il doit se confronter à un mur sonore aux aspérités noyées sous un brouillard épais (The Librarian) ou quand il est face à un escalier qui se dérobe sous ses pieds. Que dire de plus de « One Velvet Morning » ? (le morceau qui donne son nom à l’album est un grand moment de tube qui serait scié pour contrarier le passage d’un fluide puissant et addictif.). Ce papier honteusement rallongé devra, je l’espère, vous donner envie de vous déstabiliser dans ce disque de..... l’after quelque chose.