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Les deux arizoniens du groupe Les Arbres Parlent creusent leur veine inspirée, irriguée aux films qui virent leurs histoires modifiées de fond en comble par l’apparition des synthés analogiques dans les années soixante (on pourrait remonter à Forbidden Planet, sublimé par Bebe et Louis Barron, mais on sait rester modeste).

On s’attend à voir surgir Lino Ventura ou Yves Régnier dans le salon, exfiltrés d’un film ou téléfilm angoissant (très bon ou très mauvais, peu importe) où la société oppresse l’individu, toujours prêt à se battre jusqu’à la mort, ou à se jeter du haut d’une tour de la Défense, fraîchement érigée. Oui, ça galope, ça s’enfuit, mais ça ne s’essouffle jamais. Les paysages s’enchaînent sans se répéter. La fuite du héros muet et sans nom (post humain...) tissée par les doigts délicats des frères Daniel Martin Diaz et Damian Diaz nous permet de traverser une cité, virtuelle probablement, qui se crée autour du corps à mesure que celui-ci se déplace.

Ces déplacements se répètent en écho, et chaque morceau renvoie à d’autres présents dans l’album, car la narration se méfie ici du linéaire, privilégiant l’approche kaléidoscopique.

C’est sans doute pour cela que les titres se donnent la main, en fondu enchaîné. Cela indique un soin porté à la cohérence, un souci de ne pas oublier ce que permettait le vinyle, au-delà des sons chauds et des caresses sensuelles de pochettes-tableaux : donner corps à une pensée, une intuition, un désir de sons.

Un doux parfum d’Arp Odyssey, de Moog, de batteries mates mais parfaitement mixées, de basses bien fières de leurs formes, tout cela a souvent fait pencher le chroniqueur en mal d’analogies subtiles vers un rapprochement avec les excellents BEAK>. On voit bien l’idée, mais l’imaginaire des uns n’est certainement pas l’imaginaire des autres, et les partis pris divergent franchement par moments.

Trees speak emprunte aux aînés, mais garde un amour des formats courts, laissant souvent l’auditeur/auditrice sur sa faim. Et c’est un talent rare, en cette année où la 5G va permettre une orgie au cube de méga-données sans queue, et surtout, sans tête. L’élégance, c’est aussi savoir se taire. Qui irait reprocher à Bernard Estardy d’avoir touché au génie en dépassant rarement les quatre minutes (Space Oddities, béni soit Born bad Records).

Klaus Schulze visait l’infini, l’abolition des frontières, le langage total. Trees Speak joue, et c’est déjà beaucoup.




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