Les principes, c’est ce truc flou et contextuel qui, changeant au fil du vent, recouvre nos habitus d’un voile brumeux et néanmoins contraignant, jusque dans le champ sociologique. Le genre de frontière que l’on aime évoquer lorsque, à l’instar d’un Newton, l’on rédige un ouvrage à propos des principes mathématiques de la philosophie naturelle.
La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. Ici, c’est le chant de Margaux Bouchaudon, détaché et ouvert aux harmonies partagées dignes de Stereolab, qui mène la danse : le quintet parisien En Attendant Ana se livre, avec son troisième album, à un exercice pop lysergique et parfaitement maîtrisé, entre minimalisme à la Young Marble Giants (guitares pointillistes et rythmiques épurées) et concrétions harmoniques parfois dissonantes, comme sur un « Same Old Story » généreux au chant tripant, doublé puis triplé, agrémenté de trompette distordue, comme si Electrelane rencontrait John Zorn.
Si de pop pure il s’agit, puisque mélodies entêtantes et vocalises empilées, « Principia » nous embarque sur d’autres territoires ; krautrock avec basse métronomique (« Wonder »), ballade catchy et cuivrée à la rythmique heurtée (« Fools & Kings ») ou encore disco post-punk (« The Cut Off »). Les récentes prestations scéniques du groupe font pencher la balance en leur faveur et la buzzosphère underground frémit à juste titre.
N’en déplaise à ce cher Isaac, En attendant Ana, c’est la pomme qui fait tomber l’arbre, le transforme en cabane, plante un joli jardin devant la porte d’entrée et nous invite à le piétiner, dans une sorte d’extase contemplative emplie de joie retenue. L’art délicat de la nuance, en dix titres, tel est le viatique de ce « Principia » hautement recommandable.