(Ah, mais zut ! Chroniquer tardivement The Aquatic Museum, paru en mai dernier, revient à - si l’on est tant soit peu scrupuleux-, en lire les bien paresseuses critiques et se fader un champ lexical maritime cheap, à base de plongée, de féerie en eaux profondes, d’abysses pop, de navigation, d’immersion océanique, de fonds sous-marins inexplorés et autres références au film maudit de Luc Besson, ou aux tribulations de Bill Murray dans The Life Aquatic with Steve Zissou. Bref, avec un titre pareil, le nouvel album de la luxembourgeoise Claire Parsons baigne bien malgré lui dans la minuscule piscine mentale de scribouillards flemmards : à charge pour nous d’y entendre plus qu’un jacuzzi de douceurs pop, arty et jazzy.)
Formée au Conservatoire Royal de Bruxelles, Claire Parsons n’en est pas à son coup d’essai, en témoignent un premier EP publié en 2019 (OnOff, en duo avec le guitariste Eran Har Even), puis l’album In Geometry (2020), ainsi que des collaborations fructueuses (Arthur Possing Trio, Aishinka, deLäb Orchästra), et des incursions dans le monde du théâtre.
Pour l’enregistrement de cet nouvel opus, Claire s’est entourée de musiciens reconnus : outre Eran Har Even, l’on retrouve le big band belge Q-Some Big Band, le batteur et pianiste Jérôme Klein, la violoncelliste Annemie Osborne, la violoniste Maia Frankowski et l’altiste Nicole Miller, par ailleurs chef du trio à cordes In Praise Of Folly. Enfin, et c’est la spécificité de ce projet multimédia, le bassiste et informaticien Laurent Peckels s’est chargé de créer une application digitale prolongeant, grâce aux dessins d’Astrid Rothaug, le périple sonore d’un collectif protéiforme à haute valeur ajoutée.
Ambitieux tant dans sa construction que dans son interprétation très soignée, The Aquatic Museum s’ouvre sur un instrumental de toute beauté, Entrance, dont la simplicité néanmoins luxuriante nous permet d’apprivoiser l’univers complexe de Claire Parsons, où l’on devine de bien sombres nuits derrière cette luminosité avenante, où s’entremêlent piano épuré, chœurs éthérés et guitare arpégée ; parfois grondent les cordes, pour nous rappeler que le clair obscur est peut-être ce qui nous permet de saisir au mieux l’âme humaine et ses infinies nuances.
Il y a du Agnès Obel dans la façon qu’a Claire Parsons de chanter, de disséquer les syllabes, d’accentuer certains mots, de jouer avec les intonations, les registres et les silences, mais également d’appréhender la production de ses compositions, avec une exigence et une générosité qui se traduisent par un inaltérable sens du détail.
Si Trapped Air Bubbles et Large Pleasure Watercraft, dont le final époustouflant est un appel à la réécoute immédiate, sont de factures classiques – pop orfévrée aux influences estimables (Joanna Newsom, Kate Bush, Gotye) -, The Aquatic Museum n’hésite jamais à s’aventurer sur des terres plus expérimentales, à l’instar de Trash Tub, qui ne déparerait pas dans un générique de James Bond, ou des ponctuations électroniques de Deep Sea Data Diving. Chaque titre est à lui seul un petit univers, avec son lot de surprises et d’émerveillements, comme ce flamboyant Wet-Suited Escort Swimmer, qui renvoie à l’Amusement Park de NieR:Automata, ou les cuivres baroques et jazzy ouvrant Tiefenrausch, ou l’instrumental conclusif Exit, tout en apaisement et volutes pianistiques. Voilà comment détendre ce vieux bébé grincheux de Bill Murray, et accompagner nos si jolies soirées d’été.