Quel étrange titre que ce « The Haunted Lemon », premier album de Hanneke Hanegraef, jeune flamande qui a trouvé refuge entre Toulouse et Montpellier. Circassienne et voltigeuse, elle signa un premier EP en 2020 (Black Dust) ayant quitté le monde des arabesques du corps pour celui de la musique, contrainte et forcée par une blessure au genou.
Le citron hanté !! Pas question ici de ce moyen de locomotion inventé par U2 le temps de la tournée PopMart, même si celui-ci pouvait paraître possédé certains soirs. Heeka voit dans le citron la traduction de sa musique. Une pop folk ambitieuse aux teintes attractives comme le jaune et la forme de cet agrume si puissant. Un jus piquant, parfois même acide, qui sort celui qui le goute, de sa léthargie, tel un réveil en sursaut (The Blue Door, et sa poignée que nous ouvrirons non sans nous courber pour mettre nos yeux en position de force et le reste de notre corps en position de fuite). Le disque s’ouvre sur Useless, la rencontre entre Camille et Anna Calvi. Et puis cette voix comme nous arrivant d’un au-delà où le fantôme de Thom Yorke nous glace, givrant un peu plus ce citron. C’est chez l’Anglaise que nous trouverons la connexion avec Heeka, sauf qu’ici, le rouge sang laisse sa place à un jaune flamboyant. Mais c’est la même façon de composer. Elle découpe, elle enlève des images sur la bobine réduisant les 24 à un nombre impair, préférant la bobine super 8 granuleuse et ombrageuse à l’image lisse du numérique. À la fois chanteuse et actrice (sur Old Man, elle est en tension, alors que sur Dancing in the Dark c’est un théâtre dans les abysses qui semblent surgir tel un volcan offrant une nouvelle tentation de liberté.) Heeka déambule avec liberté, ne figeant rien, ravivant nos angoisses (Look in His Eyes Part I et Part II comme une plongée dans une nuit sans aucune lumière), sans acide, mais avec la force d’une écriture qui ne restera pas longtemps invisible. Lemon in zest.