Le printemps, l’automne. Le Paradis, la chute. Qui, des dieux ou des saisons, inspirèrent les dieux et les saisons ? Il n’appartient pas au compositeur Melaine Dalibert de répondre à une question purement théorique, qui plus est à une époque où, en Occident, le fait religieux est (re)devenu si sensible, comme on a pu le constater à l’issue de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris. Professeur de piano au conservatoire de Rennes, collaborateur régulier de l’Ensemble 0 – dirigé par Stéphane Garin et Sylvain Chauveau – et programmateur du festival Autres Mesures, le discret et néanmoins prolifique Melaine Dalibert, auteur d’une dizaine d’albums publiés dans le monde entier, apporte sa pierre à un édifice contemporain en mouvement perpétuel, jusqu’à recevoir les louanges d’un David Sylvian évoquant à son sujet une expansivité cosmique musicale. En effet, et c’est le cas sur son nouvel opus, Eden, Fall, le Rennais sait prendre son temps pour mettre en place des atmosphères envoûtantes, à l’instar de l’inaugural Eden, nappe synthétique prolongée à l’infini, ponctuée de rares notes de piano s’éteignant lentement dans la réverbération, un voyage stellaire de 37 minutes durant lesquelles l’esprit vagabonde au rythme de variations ténues, dont l’intensité – imperceptiblement – croît en continu et qu’enjolive un chant d’oiseaux tout à fait charmant. Jeu de vagues et ses volutes de piano arpégé forment un bien éloquent intermède, avant que le pulsatif Fall se fasse tourbillon descendant des intentions de son auteur : notes aiguës martelées sur fond d’indéfinissables sonorités percussives, dérivant petit à petit vers l’harmonie disruptive, au fil du temps les doigts se libèrent et s’emparent des touches du clavier, les notes deviennent des accords, les basses grondent, on touche le sol, comme s’il s’agissait pour Melaine Dalibert, quand jusqu’ici tout était stellaire, de tendre vers l’organique et de nous ramener à notre condition humaine. Ni dieux ni saisons, seulement la beauté du présent qui s’offre à nous, puissions-nous la savourer.