En hommage à Radio Alice, station autonome sans horaires fixes ni rédaction créée à Bologne en 1976 par un groupe d’anarchistes dont la devise était « Dare voce a chi non ha voce », fermée l’année suivante à la suite d’une vigoureuse intervention des carabinieri, Andrea Stillacci – fondateur de l’agence de publicité Herezie et passionné de musique underground – a sollicité, après avoir mis la main sur les archives audio d’époque, six artistes italiens de sa connaissance afin de leur demander d’illustrer ce que furent dans leur essence musicale les riches et révolutionnaires 70s transalpines. D’une certaine manière, avec la compilation Radio Alice : the infamous broadcast, publiée par le label nancéien Ici d’Ailleurs, il s’agira d’évoquer voire de raviver la période révolue des radios amateurs politisées, dont la programmation ouverte et éclectique se traduisait par la diffusion de déclarations d’amour, de discours politiques, de listes de course, de poèmes, de leçons de yoga, de recettes de cuisine et de musique, dans un spectre large allant de Rino Gaetano à Jefferson Airplane, en passant par Area, Fugs et Beethoven. Bâtis à partir des enregistrements vintage, notamment ceux relatifs à la fermeture contrainte du 12 mars 1977, les six instrumentaux, entre samples et collages sonores, s’affranchissent de toute contrainte, mélodique – le bourdonnant Shattered Reality (Distorsonic), Il crollo del cielo (Xabier Iriondo) et son final noise kraut, le dissonant Fantasmi Interrotti (Julinko) –, rythmique – les beats ne font leur apparition qu’à partir du quatrième morceau, le Strategia della tensione de l’activiste Anna Bolena aka G.A.Z.A., même si l’inquiétant ACAB (Alos) grince et pulse d’un étouffant pouls – et structurelle – l’expérimentation (indus, noise, etc.) est de rigueur, comme sur le conclusif Alice E Le Onde Eterne Delle Fine (Paolo L. Bandera). On ne s’en cachera pas, l’âpre Radio Alice : the infamous broadcast est une œuvre exigeante, mais passer de l’autre côté du miroir, ça se mérite, non ?