Mis bout à bout, les intitulés des dix compositions de Grössë Ämbïäncë, le nouvel album de l’hyper éclectique ultra prolifique Kim, racontent le genre de petite histoire sans histoires – l’histoire d’un réveil sans café – telles que narrée, avec un tendre minimalisme teinté de réalisme magique, par Lewis Trondheim dans Les Formidables Aventures de Lapinot. En quatre décennies vouées à l’underground, se frottant aux registres les plus divers et variés (dub, hard-rock, spectacle pour enfants), multipliant les projets parallèles (Calme, Jean-Pierre Fromage, Gainsbite) et collaborant aussi bien avec Herman Dune et Calc qu’Olivia Ruiz et Yuksek, jamais Kim ne vous donnera les clefs d’une œuvre dont les frontières brouillardeuses chaque année reculent. Premier degré, second degré, huitième degré ? Les trois, probablement. C’est toute la force étrange d’un auteur, par ailleurs excellent musicien, sincère jusque dans ses hommages, expérimentations et autres pastiches, qui cette fois s’aventure sur les terres du drone et du doom metal – le visuel de l’album est inquiétant tout autant qu’amusant, tant l’on s’attend (vous l’avez ?) à ne pas savoir sur quel pied (ne pas) danser. Enregistré at home et publié par les Nantais de Super Apes Label, Grössë Ämbïäncë est une seule et unique plage instrumentale d’environ une heure, découpée en dix chapitres eux-mêmes liés entre eux par un magma sonore boueux, à base de distorsions fracassées et de basses bourdonnantes. Ici et là affleurent des voix à priori humaines (l’introductif réveil calme) et une vigoureuse section rythmique noyée dans le mix (le crasseux black kraut metal symphonique ok mais où est le café ?), mais la plupart du temps, d’une certaine manière, il ne se passe rien. Oui, rien. Rien, mais un rien entier, un rien empli de bruit, d’un bruit vibrant et organique, comme vivant, le cœur sombre de Grössë Ämbïäncë est une ombrageuse volute étirée à l’infini. Accrochez-vous à votre canapé, ça va secouer.