L’éternité, c’est la mer mêlée au soleil, dixit Arthur Teboul Rimbaud. Et c’est aussi l’absence, éclairée par la lune diaphane qui innerve les neufs compositions du nouvel album de la multi-instrumentiste Lisa Portelli, dont le cœur mélancolique mais vigoureux s’est nourri d’un séjour de quelques mois sur un caillou planté au large des côtes finistériennes, en face du Conquet. A l’instar d’un Thoreau souhaitant se couper d’un monde qu’il jugeait aliénant (même si de bien joyeuses et alcoolisées soirées se déroulèrent dans sa cabane au bord de Walden Pond – sa famille et ses amis vivaient non loin, pas folle la guêpe ; à ce titre je suis toujours surpris de voir les amoureux de nature et de solitude prendre Walden ; or, Life in the Woods au pied de la lettre, coucou Christopher McCandless !), Lisa s’est plongée dans un présent créatif et lent, dicté par la nature et ses contraintes : « Quand je suis revenue, quelque chose était mort ». Il faut dire qu’à Molène, les distractions sont rares, ce qui explique peut-être la débauche d’énergie dont fait preuve Lisa Portelli sur le kaléidoscopique Absens : la musique électronique structure une grande partie des morceaux, à l’instar de l’électro pop Ondine ou de l’instrumental techno vintage Passe Des Chimères. Sur les titres plus apaisés, tel que l’inaugural L’Anneau, les arpèges synthétiques rappellent le Portishead de The Rip, tandis que la ballade trip-hop L’Avancée permet au chant pur, précis et légèrement voilé de Lisa d’enchanter des mots crus qui font du bien à entendre. Même si les instruments plus classiques (piano, guitare acoustique) sont présents, l’ensemble baigne dans un halo vaporeux du meilleur effet, mettant en valeur les interventions de Nosfell (sur Granit) et Étienne Jaumet (sur Si Haute). Portrait, carte postale, guide voyage, Absens saura à merveille accompagner vos soirées solitaires, passées tout autant à rêvasser qu’à sautiller sur votre canapé.