27 octobre 2025 / Noir, c’est (vraiment très) noir. Petit frère secret du séminal There is No One What Will Take Care of You des Palace Brothers, sommet de dark folk lo-fi publié en 1993, le nouvel album de My North Eye va vous congeler le cœur : radical en son minimalisme assumé (courtes boucles d’accords, arrangements à l’os, la réverbération pour seul effet), poignant de par son interprétation crépusculaire et nourri du meilleur de Vic Chesnutt, Smog et autres Castanets, VI se fait l’éloge (funèbre) du tremblement, de l’asphyxie, du sol qui se dérobe sous nos pas. Subie, temporaire ou assumée, la solitude est un viatique puissant, creusant dans les âmes et les chairs des ravins de mélancolie, au fond desquels, parfois, jaillit une pâle lumière – une source nouvelle, peut-être, d’inspiration ou de chaleur. Il ne faudra au multi-instrumentiste Yann Lafosse qu’une seule journée de juin 2023 pour enregistrer, sur un vieux Tascam 388, les six compositions de cet album o combien saisissant : choix judicieux que ce parti-pris organique, qui favorise le souffle, les grésillements, le hasard, les accidents. De la complainte Into The Sun et son bourdon rappelant le Velvet Underground à la comptine sépulcrale Sing, Sang, Sung (que ne renierait pas Mark Kozelek), le Rouennais se livre sans fard à un exercice de folk hanté, prenant le temps – comme sur la magistrale mélopée emboîtée You’re The Only One Who Knows Me Now (+ Wondrous Love) – de poser des atmosphères de cathédrale, parfois enrichies de cordes drone ou grinçantes (arc musical, épinette des Vosges) et de claviers discrets (harmonium). Noir, assurément, mais surtout (vraiment très) beau.