Être chroniqueur de musique, c’est aussi s’instruire à peu de frais, surtout après un débat matinal sur France Inter autour de l’inutilité des diplômes à l’heure de l’IA (bon, je pense faire un raccourci digne de Rosie Ruiz, mais l’idée est là). Car face à un titre de disque obscur, impossible de le laisser dans l’ombre, sans y regarder de plus prêt. Rapakivi qui vient du finnois, désigne une roche décomposée ou s’effritant facilement. C’est donc le titre du premier EP de Vitiligoes, trio breton, perdu dans la jungle parisienne, et exorcisant les frustrations du quotidien parisien, en construisant des pièces musicales, comme des sculptures massives, non dénuées de fissures apparentes, mais rendant l’expérience tout aussi périlleuse que merveilleuse.

Clément à la batterie (un sens aigue du rythme juste qui exclut toute fioriture au profit d’une précision machiavélique.), Antoine à la guitare (ou comment se transformer en laborantin sans limite) et Thomas aux synthés et au chant (ou comment servir de liant et d’exhausteur de goût) font de cette première expérience discographique à la fois un moment de jeu entre copains (comment ne pas desceller dans Avalange, présent sur le volume 64 de nos compilations, la traduction parfaite d’une partie entre copains), et un moment de transgression dans cette époque de la sclérose. Car Rapakivi n’est pas un disque centriste, un disque de milieu de tableau, c’est un EP qui sait s’aventurer pour mieux nous perdre, nous mettre dans la position inconfortable de la diseuse de bonne aventure, incapable de voir plus loin que l’instant présent. Velours Granit nous laisse dans l’incertitude, 4,6 Km/h nous tiraille entre la pop et un post rock quasi-mystique sans pourtant nous dechirer et Peure fini par nous rendre ivres, ne sachant pas sur quelle piste avancer, donnant à notre oreille interne le droit de prendre des vacances, pour notre plus grand bonheur. Rapakivi est donc une expérience qui agrandit tout sur son passage, sans que nous soyons abrutis par un pilonnage en règle pour façonner une roche à dessiner. ehdottomasti kuuntelemisen arvoinen