L’inscription Push Barman To Open Old Wounds -le titre de cette compilation qui regroupe l’ensemble des sept EPs de Belle & Sebastian parus sur Jeepster entre 1997 et 2001 et composée, à l’exception de " The State I Am In ", de morceaux absents de tout LP !- orne la porte des toilettes d’un bar de Glasgow. Ce graffiti potache construit à partir de l’informatif " Push Bar To Open " et que l’on traduirait maladroitement par " Pressez le serveur de réouvrir de vieilles blessures " (si je commets un contresens, informez-m’en…) lève le voile sur une facette sans doute pas méconnue des fans transis du groupe mais plus ignorée des mélomanes peu familiers de la pop rutilante de B&S : leur côté très sourire en coin. Bon, pour vos soirées déconne préférez toujours Benoît Poelvoorde à Stuart Murdoch mais quand même…
A l’évocation du nom B&S beaucoup s’imaginaient en effet un bow window frappé par un soleil timide, un canapé moelleux à fleurs et une tasse de thé posée sur un napperon ; le tout sur fond de Felt. Où l’on comprend que B&S fait la nique aux clichés : Push Barman donne en effet à entendre la musique des Glasgowiens dans toute son exhaustivité et sa richesse.
Le premier mouvement de cette masse compilatrice s’ouvre sur trois maxis de 1997 : Dog On Wheels, Lazy Line Painter Jane et 3…6…9…Seconds Of Light. Une exploration en trois temps qui permet à l’auditeur distrait de prendre contact avec les obsessions pop 60s et folk-rock -raboté aux angles- des (à l’époque) sept musiciens faussement naïfs. Les fans hard-core y trouveront eux matière à délectation (" Dog On Wheels ", " The State I Am In " en version démo ou encore l’admirable " A Century Of Fakers ").
Le deuxième cd compile notamment les EPs This Is Just A Modern Rock Song et Legal Man. B&S semble s’extraire de belle manière du costume " parangon d’une chamber-pop pour pucelles à boutons " que certains aimaient à le voir enfiler. Dès lors, si ce deuxième volume séduit moins que le précédent tant B&S paraît parfois s’enfermer dans une formule éprouvée, il permet néanmoins de découvrir une version longue du magnifique " This Is Just A Modern Rock Song " ou l’exercice de pop hypnotique " Slow Graffiti ". Les fans-hagiographes liront sans doute dans cette exploration (un peu) moins convaincante la marque des errements de Murdoch qui paraît accepter ici de laisser ses collaborateurs, Isobel Campbell en tête, manœuvrer le frêle esquif B&S pour en saisir à nouveau la barre avec autorité quasiment dans le même mouvement. Les autres apprécieront sans plus d’analyse le pastiche pop 60s " Legal Man " ou le gentiment régressif " I Love My Car ".
Si l’on en croit l’ensemble des avis émis par les docteurs ès B&S, Push Barman… ne constituerait pas moins que le meilleur album des Ecossais et un best-of solide avant l’heure. Après de multiples écoutes on ne peut que se ranger à cette analyse. Et se féliciter de l’initiative de Jeepster qui salue avec classe le départ d’un de ses groupes emblématiques.