Une musique au teint soigneusement blafard toute irradiée qu’elle est par la grâce spleenétique du soleil noir de la mélancolie, jouée dans l’urgence du désespoir par d’inconsolables romantiques et qui sonde avec une rare virtuosité les profondeurs abyssales du tourment humain. C’est qu’elle est consciencieusement triste cette musique, scrupuleusement fidèle au nom qui la joue, car tout le disque est l’explication de ce choix sacrificiel pour cette saturnienne obscurité qu’engendre la souffrance désirée, univers où se complait la créativité artistique et dont la gravité, plus propice à l’éclosion du sublime que la platitude de la sérénité amoureuse, résonne comme une catharsis aux oreilles de ceux qui l’entende. Car ILYBICD vise directement le coeur de l’auditeur et en exhume son lot de douleurs refoulées, les dissèque puis dans un vaste élan de générosité nous en libère. Au-delà de cette tendance à faire hérisser nos poils sans pour autant jouer d’un sentimentalisme exacerbé, Fear Is On Our Side réhabilite le son urgent, obscur et abrasif qui traversa de long en large les années 80, des New, Cold, ou No Wave(s) au mouvement Schoegaze, de Tuxedomoon à My bloody Valentine et ce, sans tomber dans le vulgaire ersatz, dans le tourbillon revival ou la pure dévotion, mais bien en se le réappropriant, le détournant, le magnifiant à la manière d’un avant-garde, pour en faire un objet unique et irremplaçable. Nous naviguons donc dans les eaux troubles du rock américain, dans ce qu’il a de plus mystérieux, la voix de Christian Goyer (Windsor For The Derby) et de plus contagieux, la basse rugueuse d’Edward Robert (Cyrus Rego), un rock décomplexé non loin des trop bien habillés new-yorkais d’Interpol, la fioriture pathétique qui parfois les accompagne en moins et la chaleur électrique du Texas en plus. Tout simplement indispensable.