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Dix-huitième édition du festival décentralisé Les Inrocks. A Lille, les festivaliers assistent sourire aux lèvres à une british invasion musicale et musclée. Kaiser Chiefs, Arctic Monkeys ou Hard-Fi remportent la mise. Un rapt tout en muscles bandés et guitares saillantes qui laisse des traces. Analyse des débrits des Brits.

Vendredi 4 novembre 2005

Sur la page Myspace des Arctic Monkeys on peut lire " Don’t Believe The Hype ". A croire que le groupe lui-même prend ses distances avec l’euphorie générale qui les porte actuellement vers de possibles lendemains qui chantent. Emmenés par Alex Turner et son accent particulier, les recrues de Domino offrent pourtant un concert qui donnerait foi en la mode (musicale). Les quatre jeunes anglais délivrent ce soir un set rock maîtrisé et sauvage alignant les titres opérants d’un album à venir -parmi lesquels " Scummy ", " A Certain Romance " ou encore le très addictif " Fake Tales Of San Francisco "- avec l’assurance de ceux qui n’usent pas leurs Converse sur une scène pour la première fois mais l’humilité de ceux pour qui la France reste à séduire. Une introduction rock jamo smithienne des plus plaisantes dont on retient la voix gorge serrée aux accents morveux du chanteur.

Adhésion immédiate d’un public anglais venu en masse jouir de l’affiche d’une édition mettant en lumière des groupes qui se partagent la une du NME régulièrement. Un peu moins en vue peut-être mais quand même, The Go ! Team prend la relève pour une prestation à l’image de leur album Thunder, Lightning, Strike : un bordel foutrement savoureux. La chanteuse s’agite façon Véronique et Davina aux sons d’un indie electro-rock qui claque la tête des Avalanches contre le crâne des Jackson 5 et s’échappe sourire aux lèvres dans un fracas de larsens, pour le plus grand plaisir d’un public bien décidé à mouiller la chemise. Les musiciens intervertissent leur rôle, la batteuse se lance dans une comptine de sa voix de gamine malicieuse simplement accompagnée d’un clavier joué à quatre mains, et le groupe dans son ensemble parvient à faire hurler " Go ! Team " à une assistance emportée par le gimmick de cuivres sucré de " We Just Won’t Be Defeated " ou la saillie noisy qui larde " Junior Kickstart ". Epatant de bout en bout. Ereintant de bout en bout aussi.

Difficile après cela d’opérer la descente d’acid (rock) en compagnie du récent vainqueur du Mercury Prize Antony accompagné de ses Johnsons. Auteur du fabuleux I Am a Bird Now emprunt d’une grâce à nulle autre pareil, le chanteur androgyne s’avance sur scène à pas presque feutrés comme pour préserver le fragile équilibre de ses compositions de la furia électrique des Go ! Team, encore palpable. Peine perdue. La frêle architecture des titres de son deuxième album notamment, cède sous le poids de l’attente et malgré le renfort d’amis multi-instrumentistes qui convient violoncelle, accordéon ou batterie squelettique au chevet de son Steinway. Bad timing en somme : difficile de bâtir quand le groupe précédent a déconstruit. Un set qu’on ne peut se résoudre alors à qualifier de douceâtre puisque pensé autour d’une voix qui emplit nos longues heures d’écoutes extatiques.

En revanche, on lâchera sans hésitation le mot dans les pieds de Devendra Banhart And Hairy Fairy. Et qu’ils trébuchent avec. L’happy hippie livre un set plat aux contours mal définis par des musiciens " à la cool " qui paraissent jouer chacun dans leur coin. On attendait mieux d’un personnage pas antipathique et d’un musicien inspiré (Rejoicing In The Hands) que cet exercice de pop-folk finalement conventionnel. " Mec t’es naze d’écrire ça ! T’as rien compris aux mantras à Devendra… Pour la peine tu participeras pas à notre projet de ferme autogérée " pourrait-on m’opposer. A raison sans doute, après quelques titres je décide donc de rejoindre mon âshram pour garder le reste du public de mes bad-vibes selon le terme consacré.

Samedi 5 novembre 2005

Deuxième soirée du festival Les Inrocks à Lille sur le thème " Révisons la géographie du Royaume-Uni avec Hard-Fi, Futureheads, Maxïmo Park ou Kaiser Chiefs ". Un cours magistral d’abord dispensé par les Stars Of CCTV en charge du module : " Ville satellite de Londres, ennui et création musicale : l’exemple de Staines ". Un cours réjouissant qui constitua une entrée en matière des plus concluantes à cette soirée à forte teneur en testostérone.

Hard-Fi enchaîne les titres de son premier effort avec la hargne des morts de faim à qui l’industrie du disque avait promis un repas complet pour finir par n’offrir qu’une entrée rapidement consommée (épisode Contempo pour Archer). " Middle Eastern Holiday " balancée comme un manifeste puis " Unnecessary Trouble ", et " Hard To Beat " et son potentiel dance-floor, saisissent un public très disposé à s’exprimer par le corps. Puis le refrain hymnique de " Tied-Up Too Tight " et la basse dub du single " Cash-Mashine " portés par le chant versatile d’un Richard Archer s’agitant aux quatre coins de la scène, étendent le cercle des convaincus de ce samedi soir. Le batteur Steve Kemp confiait récemment que le groupe attendait avec impatience son intronisation en L1. A l’issue de leur prestation on leur prédit pour bientôt. Une division que fréquente. The Futureheads depuis un moment. Les quatre post-punkers plient l’affaire en deux titres introductifs rentre dedans puis déroulent le set sur un rythme effréné. Une prestation dont le caractère éminemment jouissif doit tout à leur assurance scénique phénoménale et à la touchante complicité qui paraît les unir. Aucun des Anglais de Sunderland ne se départit d’un sourire béat au long du set. Une jovialité contagieuse qui gagne un public particulièrement réceptif aux titres rageurs (" Robot ", " A To B ", " Meantime ", " The City Is Here For You To Use "…) et à la subtilité des harmonies vocales, la grande force du groupe. Ce dernier parvient même à scinder l’audience en deux pour un canon collégial. Un moment des plus agréables pour une formation d’importance qui frappe pourtant par sa simplicité. Plus poseurs mais tout aussi efficaces, les cinq gommeux de Maxïmo Park maîtrisent leur tour de chant comme on dit chez Sevrant. Paul Smith et les siens s’y entendent pour coudre de jolis motifs de pop anguleuse ultra-efficaces. Mêlant titres déjà fichés dans les esprits (" Apply Some Pressure " stratégiquement placé en milieu/fin de partie, " Graffiti ", " The Coast Is Always Changing ") et nouveautés (le titre " Waste Land " si mon anglais ne me fait pas défaut…), le set des cinq de Newcastle (vous devez disposer d’un atlas pour lire ces lignes…) reste bien campé sur ses jambes musclées bien des fois sur les scènes internationales. Le groupe paraît un peu plus à son aise qu’à La Route Du Rock et assume pleinement sa position de co-leader de la soirée avec la classe et la morgue qui le caractérisent. Smith exécute ses chorégraphies robotiques avec un détachement dandiesque et jalonne le set de quelques facéties scéniques (il sort un petit livre rouge sur lequel il paraît lire les paroles d’un des titres). Une folie qui paraît presque orchestrée.

Une (petite) réserve que l’on ne formulera pas au sujet du concert des Kaiser Chiefs. Fidèle à sa réputation le britpack de Leeds (terminus de notre périple grand-breton, veuillez vérifier que vous n’avez rien oublié sous les sièges…) met tout en œuvre pour marquer les esprits : une arrivée très rock stars sur " Money For Nothing " des excellents Dire Straits, sape étudiée (le guitariste portait de magnifiques chaussures quasi médiévales dont le bout pointu devait bien mesurer une vingtaine de centimètres) et gesticulations d’épileptique du leader. Un Ricky Wilson dont la présence scénique magnifie les titres d’un album plutôt réussi (Employment) mais peut-être pas crucial. " Saturday Night " constitue une belle ouverture de set et déjà Wilson explore le moindre centimètre carré de scène. Suivent " Born To Be A Dancer ", le tubesque " Everyday I Love You Less And Less " et son gimmick synthétique, " Na Na Na Na Naa " et son tic albarnien concon puis " Modern Way ". Le public jubile et les fans anglais maquillent l’Aéronef en Brixton Academy. Une euphorie qui culmine avec " I Predict A Riot " qui voit Wilson lutter contre la sécurité pour tenter de pénétrer la foule. Un petit jeu désopilant : esquive, accélération, feinte. Wilson remonte sur scène et conclut cette mini émeute par un " It’s just a fucking rock and roll show ! Nothing more, nothing less ". Exactement, et l’on gardera cela à l’esprit jusqu’à la fin du set. Un set de haute volée pour une édition enthousiasmante. England was in the room !

Merci à Danièle LUDVIG de l’Aéronef.



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