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La solitude n’est belle et prenante que chez Koltes, même si derrière elle une charrette complète de frustration et de mal être se traine au dos d’un âne fatigué et repus d’autant de misère. Après un « Lay Your Soul Bare » unanimement salué, Eric Pasquereau ne pouvait pas poursuivre sa route avec cet animal repus. Soit il l’abandonné sur la route et faisait table rase du passé, soit il lui offrait une nouvelle charrette. C’est cette seconde direction qui sera prise par Eric. Un attelage neuf et attrayant, et un âne à qui on aurait proposé de manger les même aliments que les ânes que Beck utilisaient au début de sa carrière, avant de les revendre pour en faire probablement du saucisson à l’image de la progression de cette même carrière.

Fort de cette donne nouvelle, Eric pouvait avancer vers d’autre cieux, sauf que la charrette elle n’est pas vidée. « Characters » est donc un disque beaucoup plus massif, plus plantureux mais avec en arrière court les mêmes affres, les mêmes sentiments de vide. Mais épaulé par Jonathan Seilman (This Melodramatic Sauna) Pierre Antoine Parois et Arthur de la Grandiére (Papier Tigre) pour la partie musicale et par Stéphane Laporte (Domotic / Centenaire) pour la production et les arrangements, Eric bombe le torse avec un rictus tendre et dénué de cynisme.

« Characters » est de la trempe de ces disques dont il impossible de faire le tour, sans penser déjà à une rotation suivante. Il regorge de virgules qui se répondent les unes aux autres, construisant sur des mélodies prenantes des boucles complexes. Sans jamais s’éloigner de son écriture, il se laisse porter par les autres, la faisant reposer sur les bras solides. Et l’âne d‘avancer, une jolie selle de couleur sur le dos, un brin de blé entre les dents, tirant une carriole aux couleurs de l’arc en ciel remplie de souffrances et d’affres, sang de ces chansons à l’ambivalence inquiétante. Avec ce disque complice, The Patriotic Sunday rejoint les flamboyants Flaming Lips et autre Grandaddy, dans la transhumance des pop/folkeux qui laissent les couleurs pour la musique. Un grand disque, avec un s mérité à la fin de son titre. Gros coup de cœur.