J’étais dans les meilleures dispositions. Je venais de prendre mes rations au cas où le chavirage devenait inévitable, j’avais mon radeau gonflable, et mon ipod étanche avec de quoi tenir le temps que les batteries se vident. Et puis au moment de prendre le large, je me suis rapidement fait à l’idée que l’on m’avait légèrement dupé. Pas de gros temps, pas la moindre vague (sauf certainement à l’âme), des creux (probablement pendant l’écoute) et un appareillage qui tenait plus de la navigation assisté, que celle plus héroïque d’un Bernard Moitessier. Ed a certainement une talent de songwriter qui peut le rager entre un illustre ainé (Ray Lamontagne) et la jeune garde, Andrew Bird en tête de proue, mais il n’a pas une voilure suffisante pour avancer, avec le manque de vent qu’il rencontre. Donc on sent ronronner le moteur en fond de cale, on craint le dégazage sauvage, et on prend cette ballade, comme on prendrait une heure de traversée autour de Dieppe, sur un bateau qui ne connaitra jamais le plaisir de ne plus voir l’horizon. Impeccable, les peintures sont fraiches, et le capitaine de bord est avant tout un officier de la marine, droit sous son couvre chef, et dénué d’une sentimentalité qui sied plus à ce genre d’aventure. Un disque Folk qui reste en rade.