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On avait perdu de vue Laetitia Shériff depuis un moment. Son dernier album, Games over remonte à 2008... Mais loin d’être inactive, elle multiplie les projets - musiques pour pièces de théâtre, Trunks et son post-rock / kraut-rock fort bien troussé - et les enregistrements, dont un bel album live en solo dépouillé à l’extrême enregistré dans une chapelle par l’excellent Thomas Poli, qui est également à la tête du label Impersonal Freedom sur lequel sort ce disque.

Pour ce 4 titres (disponible soit en vinyle, soit en numérique via bandcamp), c’est elle qui assure tous les instruments... basse, guitare, batterie, boucles.

En préambule, je dois avouer que je me suis noyé dans cet EP depuis des mois sans arriver à décrire ce qu’il me faisait ; car bien que proche de l’univers habituel de son auteure, sa cohérence de son et de composition en font un objet musical à part : tantôt rêveur & ambiant, tantôt entêtant dans ses rythmes et ses thèmes, il nous embarque littéralement.

Ainsi le premier titre, « Urbanism », basé sur un empilement de boucles de guitares, des mélodies jouées et doublées au chant nous rapproche de ce qu’on connaît de sa musique, tout en étant différent, notamment par le fait que le jeu de guitare (et de boucles) reconnaissable d’Olivier Mellano en est absent... premier titre, première réussite. « Where’s my I.D ? » aborde un côté plus rock, les guitares se font plus stridentes, voire dissonantes, en servant le propos sur (me semble-t-il) les dérives d’un état, une sorte de protest song indie fort bien balancée. « To be blue » fait dans le mid-tempo et joue le contraste : des chœurs fantomatiques ornent un texte simple et dépouillé, un thème sobre qui évolue vers un adlib tout en résonance, donnant au morceau une impression de colère froide.

« A beautiful rage » qui termine ce disque est le type même du titre casse gueule. Dépouillé à l’extrême, l’ennui pourrait s’y pointer en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Une ligne de basse répétitive qu’on croirait enregistrée dans une usine abandonnée, quelques guitares ambiantes parsemées ça et là. Mais là où The XX échoue à susciter l’émotion par le lissage du son et la voix blanche et désabusée des 2 comparses, Laetitia Shériff y insuffle une vraie dimension quasi mystique, à l’instar d’une Jessica Bailiff, par sa voix qui s’envole au-delà des mots.

On pourrait presque dire que ce disque est austère dans sa forme. Il est surtout d’une grande beauté, entre colère et tristesse. Un bel avant goût de son nouvel album qu’elle enregistre actuellement.

PS : je ne peux que vous recommander de vous le procurer en vinyle, j’ai personnellement craqué sur la superbe pochette rouge au personnage inquiétant...

http://laetitiasheriff.bandcamp.com/album/ep-wheres-my-i-d

http://impersonalfreedom.bandcamp.com/album/wheres-my-i-d