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"Où vont tes rêves ? Se sont ils tous évanouis, perdus dans la froide lumière du jour" chante , comme une confession, comme un aveu d’impuissance, Paddy McAloon du fond de sa tanière dans "The Dreamer", titre issu de "Crimson Red", album du retour inespéré de Prefab Sprout. On le croyait perdu pour la cause Pop le père McAloon. On avait de ses nouvelles discographiques avec la sortie de chutes de studios de périodes variées. Pour preuve "Let’s change the world with music" sorti en 2009 mais écrit et composé en 1992 !!! On le savait malade, l’auteur de "Steve Mcqueen" et de "Jordan The Comeback"... On le disait atteint de la maladie de Ménières qui l’avait rendu presque totalement sourd et aveugle. C’est dire si la nouvelle du retour de Prefab Sprout avec des nouveaux titres récents en surprit plus d’un (dont moi)...

Pour beaucoup, les années 80 furent les années des garçons coiffeurs plus interessés à leur look, leurs mèches décolorées qu’à leur musique... Pourtant, les années 80 furent aussi celles des Monochrome Set, des Blue Nile, des Pale Saints, des Bathers et de Prefab Sprout donc. Ces groupes sûrent allier deux frères ennemis, une certaine Pop anglaise à la ligne claire et une Pop américaine qui devait autant au croon cabaret de Rodgers et Hart qu’au Love de la fin des années 60... Paddy McAloon n’a jamais vraiment choisi entre ses attirances pour les Torch singers des années 30, la fraîcheur instrumentale de Burt Bacharach acoquinée à l’ironie mordante de Lee Hazlewood. La musique de Prefab Sprout nous renverra toujours à l’adolescence , cette période aujourd’hui révolue de nos vies où la légereté se mèle à la gravité emphatique à l’image des mélodies de l’auteur de "When Loves Breaks Down".

Nous avons toujours ressenti une tendresse pour ces artistes cabossés, pour ces auteurs qui ont presque connu le vrai succés publique, qui arrivaient au mauvais moment, ou trop tôt, ou trop tard. Des artisans , des besogneux comme Ron Sexsmith, Mark Eitzel, Paul Buchanan, Stephen Jones (auteur d’une belle série d’albums indispensables dans les années 90 avec Babybird), Peter Milton-Walsh et Paddy McAloon... Ces auteurs qui ont presque connu le succès que le public leur promettait... Ces auteurs pour lequels on ne comprendra jamais ce manque de reconnaissance injuste... Ces auteurs à la pourtant évidence Pop... Ces auteurs que nous sommes quelqu’uns à vénérer et adorer, à garder pour nous... Ces auteurs que nous chérissons intimement tels des initiés privilégiés...

Et pourtant, on rentre dans un album de ces artistes cités plus haut comme on rentre dans son lit chaud et accueillant... Il en va de même des albums de Prefab Sprout... Ils sont chauds et généreux,hospitaliers et souriants... Nous ne sentons pas tout le travail sur les arrangements, sur la texture sonore, sur le climat et pourtant... Les plus jeunes d’entre nous trouveront peut-être le son de Prefab Sprout un peu daté voire kitsch (Impression fausse) mais les plus endurants, les plus persévérants y trouveront leur compte et comprendront sans doute mieux une œuvre comme le "Kaputt" de Destroyer, album de 2011 sous forte influence "Sprout"ienne...

Avec "The Best Jewel Thief In The World", single qui ouvre l’album, on retrouve cette légereté où sourd la profondeur. En quelques secondes, le temps s’efface, nous voici revenus en 1990, au temps de "Jordan The Comeback" avec un Paddy combatif et victorieux... La musique de Prebab Sprout a sonné et sonne toujours comme une bulle anachronique ,mais de ces bulles comme des cocons douillets que nous retrouvons avec plaisir. Il y a cet harmonica comme issu des sessions de "From Langley Park To Memphis".

Il faut l’entendre régler ses comptes dans "Devil Came A Calling" avec ses idées noires qui le hantent avec ce sourire de celui qui a tout perdu. Ou encore la Northern Soul chère au coeur du patron du groupe dans "Billy"... et voici que remonte à notre mémoire l’air de rien le souvenir d’un autre perdant céleste, Kevin Rowland de Dexy’s Midnight Runners. "Grief Built The Taj Mahal" nous rappelle combien la retraite forcée de l’anglais nous brûle par son absence injuste.

Comment expliquer cette mélancolie qui rend heureux (comme un titre réussi des Pet Shop Boys) à l’écoute de "Mysterious" ? Comment exprimer par des mots tout ce que nous apporte la musique de Paddy McAloon ? Comment traduire cette émotion tapie derrière la fraîcheur de façade dans "The List" ?

Comment expliquer cette joie qui nous remplit le regard, qui déborde de nos yeux de savoir que quelque part en Albion, Paddy McAloon est bien vivant, qu’il n’a jamais cessé d’écrire, de composer... Nous ne pouvons le laisser repartir dans l’isolement, dans l’obscurité de ses jours. Il ne peut plus être sur la liste des choses impossibles. Il ne doit pas l’être... Espérons qu’encore une fois, ses pas le méneront à un studio, qu’il s’éloignera des armoires poussiéreuses des greniers au charme patiné et surranné. Nous savons qu’il est bien quand il écrit, quand il compose. Nous savons qu’il vibre comme nous, nous savons qu’il est vivant parmi nous. Nous savons qu’en ce moment, il regarde comme nous ce ciel dans son heure bleue où les fleurs s’épanouissent, où nos émotions s’élèvent vers d’autres voies...




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