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On n’a pas tous les jours l’occasion de se marrer en lisant un dossier de presse. Jusqu’à ce que le label Rockerill Records (que l’on connaissait plus sérieux) annonce la sortie du premier EP de… Spagguetta Orghasmmond, "duo moitié Spaghetti, moitié Orgasme, moitié Hammond qui nous livre leur premier 45t reprenant leurs deux plus célèbres hits dores-et-déjà ringards : Coppi & Bartali et Parigi Sotto La Pioggia ». Bienveillant, le label précise que « ce merveilleux disque est downloadable en copie promo ». Voilà qui change des habituels « voici notre premier EP influencé par Joy Division / The Cure / Bauhaus". Comme il est rare de tomber sur un label dopé à l’intégrale Ed Wood, on télécharge la chose. Et on n’est pas déçu : depuis les Moog Cookbook massacrant Nirvana et Soundgarden aux synthétiseurs analogiques, rarement Charlie Oleg n’avait semblé aussi précurseur qu’ici, rarement l’illustre joueur d’orgue Hammond de « Tournez Manège » n’avait à ce point influencé la variété pop.

Parlons d’abord du chef-d’œuvre de cet EP (bizarrement relégué en Face B, sont cons ces Spagguetta Orghasmmond) : « Parigi Sotto La Pioggia » (en français, Paris sous la pluie), un slow sous lexomil dans lequel le chanteur Barako Bahamas (ça ne s’invente pas) égrène quelques vérités cruciales sur la Capitale : il n’y a pas de taxis la nuit, les rues sont désertes à partir de deux heures du matin, et en plus tu dois rentrer chez toi à pied. Barako n’est pas rancunier puisque, malgré la flotte, il précise quand même qu’il s’agit de « la plus belle nuit de toute sa vie ». A ce stade de la chronique, il parait nécessaire d’informer sur le chant, heu, langoureux de Barako Bahamas (directement échappé d’un porno français des années 80), et sur la musique composée par son collègue… Raymond Rhammond (le son Hammond le plus couillon et largué de toute l’histoire de la musique électronique). N’empêche : depuis les séries Z de Bruno Mattei, jamais n’avait-on ressenti une telle fierté à comprendre et parler la langue italienne.

En Face A, « Coppi & Bartali » décrit la course cycliste opposant les dénommés Fausto Coppi et Gino Bartali. On pense à un Kraftwerk qui aurait engagé Sim en tant que compositeur principal, à une BOF éventuellement composée par Klaus Schulze pour le célèbre film « Touch’ pas à mon biniou », à un Jean Roucas affirmant à quel point il adore Tangerine Dream… Le thème de la course cycliste possédait son chef-d’œuvre musical (« Tour de France ») ; conscient de l’injustice, Spagguetta Orghasmmond lui offre aujourd’hui son nanar (personne n’en rêvait, Barako Bahamas et Raymond Rhammond l’ont quand même fait – et on les remercie, SVP).

Un mot, quand même, sur les vidéos illustrant ces deux… chansons ? Dadaïsmes à la ramasse ? Slows jamais redescendus de cet acide gobé par hasard il y a maintenant trente ans par ce duo à la contagieuse autodérision ?

« Parigi Sotto La Pioggia » possède un parti pris fort : mettre en scène un clip n’ayant strictement aucun rapport avec Paris. Sauf qu’ici, l’écart images / paroles vire au 180° : pendant qu’une incrustation montre Raymond Rhammond jouer de l’orgue dans le ciel (un effet que l’on doit certainement à des étudiants biturés ou hilares), une pseudo secte (ils possèdent tous des cagoules) marche (très) lentement dans une forêt avant de décapiter (sans raison apparente) l’un de leur collègue (le raccord décapitation / tête tranchée vous hantera jusqu’à la fin de vos jours). Même Jean Rollin aurait conseillé au monteur d’accélérer le rythme…

« Coppi & Bartali » est un collage d’images d’archives montrant des cyclistes (pédalant en sens inverse) et… des vieux (oui, des vieux ; qui ? Quand ? Pourquoi ? Cherchez pas, c’est un concept).

Après une telle expérience aussi musicale que visuelle, impossible de revoir un film de Marguerite Duras ou d’écouter une chanson des Smiths comme à l’accoutumée (à cette époque – il y a deux jours – où l’on ne connaissait pas encore Spagguetta Orghasmmond).

P.S : par amour-propre, on n’a pas osé parler de la pochette du disque. Du reste, un tel visuel se passe de commentaires…

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