Cher Guillaume Mazel,
ami et collègue de bureau à A Découvrir Absolument, je t’écris aujourd’hui ces quelques mots car je te sais loin de tes terres natales, quelque part dans ces châteaux d’Espagne. Au détour d’une conversation, comme tous ces petits échanges que nous avons quasi quotidiennement, j’ai découvert cette carence chez toi, vivant ailleurs, du côté de Madrid, de ne pas avoir accès à ce qui se produit dans notre petit hexagone, dans le petit Landerneau musical de par ici.
J’ai découvert que tu connaissais peu les grandes figures du moment... Dominique A en tête.
Ce qui est drôle souvent dans nos échanges, cher Guillaume Mazel, ce sont les coïncidences, les hasards comme des rendez-vous. C’est à travers un titre à la fois obscur et lumineux que tu entres dans le travail du grand A, "Manset", hommage plus qu’appuyé à son aîné. Etrange pensée commune que voila alors que depuis plusieurs mois (depuis toujours ?), je suis immergé dans la musique de l’auteur de "Lumières".
Cher Guillaume,
Te parler de Gerard Manset, c’est quelque part te parler de résonance.Ce monsieur aussi génial que discret influence à peu près tous les artistes que nous aimons.
De Bashung à Daniel Darc, de Miossec à La Rive, il ne voyage plus en solitaire.
Comme tu le sais, toi planqué derrière les Pyrénées, comme tu le sais sans en voir l’étendue, il n’y aurait pas cette scène française qui parvient à lier à la fois une énergie issue du Rock et la maturité d’une écriture enfin consciente.
Toi l’ami,
Tu sais bien combien Manset résonne dans l’univers de biens des artistes. Serait-il présomptueux ou excessif de dire qu’il est de ces créateurs charnières, de ces étapes de transition entre deux époques, un pied dans un certain classicisme, un pied dans le Rock, un pied dans le patrimoine de la chanson à textes (Brel, Brassens,Barbara, Ferré), un autre dans le domaine du contemporain.
Tu sais , toi, Guillaume que Gerard Manset est un trait d’union, une caisse de résonance. A la fois populaire et exigeant. A la fois naturaliste et surréaliste, il devient presque ironique.
Te parler de résonance, Guillaume, quand je pense à Manset, c’est revenir à ce titre que nous avons en commun, toi et moi, ce titre de Dominique A, petit frère de son aîné, ce titre extrait de "Kick Peplum EP" qui parle de "Lumières", de ces musiques que l’on écoute forcément seul.
Sans en avoir parler avec toi, Guillaume, je sais, j’en suis sûr que nous avons ces souvenirs partagés, ces anecdotes sur Manset. Anodines souvent, bouleversantes parfois.
Voir le grand solitaire revenir à la faveur d’un Best of maquillé entre réorchestrations, duos improbables (Mark Lanegan, Deus, Axel Bauer) vient encore rappeler combien sa présence discrète ne doit pas faire oublier l’importance de sa place.
Quand je pense à toi, cher Guillaume, je pense mots, homme de mots sensibles... Aussi, alors que Dominique A s’apprête à sortir un bien beau nouvel album, "Eleor", toujours plus proche du travail d’un de ses pères artistiques, à toi l’homme d’alphabet, j’ai envie d’offrir ces quelques lignes de ce moment que nous partageons.
C’est un grand pavillon au milieu d’une impasse
Il n’y est pas venu depuis quelques années
Ses soeurs sont déjà là et ses craintes levées
Des fois à se revoir on se dit que tout passe
Et sa mère est heureuse et c’est là l’essentiel
Et la table déborde et tout à l’air léger
Les "je t’en veux" d’hier meurent dans la bouteille
Finalement se voir c’était une bonne idée
Ce n’était pas faux-dire quand papa était là
Finalement c’est lui qui l’a dit, il fallait
Que quelqu’un se dévoue et la main sur son bras
Sa mère le reprend et lui dit "s’il te plait"
Mais dès l’or tout déboule par à-coups gentiment
Tout les "et les fois où vas-y rappelle-le toi
D’anciennes guerres des nerfs tombent mortes du toit
Et la musique l’horreur tu te souviens maman
Il ne supportait pas sauf quand s’était Manset
Tu savais que papa il écoutait Manset
Il se passait les disques que tu avais laissé
Ca m’étonne pas de lui qu’il t’en ai pas parlé
Il imagine son père qui écoute lumière
Mais ça ne marche pas l’un et l’autre sont loin
Il pense ça fait longtemps je l’écouterais demain
Il relève les yeux et regarde sa mère
Cher Guillaume,
j’ai toujours beaucoup de plaisir à te lire, je te dis à très bientôt au hasard de nos coïncidences, au hasard de nos rendez-vous,
Ton ami d’ici
Greg Bod