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Vous donnez des graines aux oiseaux qui ornent votre jardin quand la nature se met en retrait, craignant le froid et l’obscurité ? Ces oiseaux dont nous ne feignons plus d’ignorer le courage bravant l’adversité, nous donnant une leçon de bravoure mais aussi une belle parenthèse de poésie dans ces journées sans lumière, sur ses arbres aux enfants perdus.

Des oiseaux Gisèle Pape semble en héberger dans ses paroles, dans ses textes dans lesquels les mots forment une farandole enveloppée dans des mélodies lumineuses, déployées avec un "ératisme" de façade, car la poésie est partout, même dans les sons. Les mots rebondissent sur des oiseaux subtilement posés sur une portée dessinée par des petites fées que Gisèle semble faire sortir de sa bouche, laissant celles ci terminer les mots qui s’échappent comme un pollen sauveur (Sirène).

Il y a dans l’interprétation de ces titres un sens subtil de l’orchestration de l’arrangement, les sons sont comme déposés avec la précision d’un joaillier, évitant de faire peur à tous les êtres pourvus d’une paire d’ailes. Il y a chez Gisèle un sens de la narration, empruntée à une tradition médiéviste qui ici n’est pas plongée dans une posture tendance, celle de jouer et chanter faux pour donner une couleur qui serait séduisante. « Moissonner » est une chanson entêtante, un fruit dans lequel nous viendrons nous abreuver sans cesse, un tourbillon, une passerelle, une échappée, une des plus belles chansons de cette année.

Gisèle joue avec le rythme, le temps, écrivant la plus belle chanson (Nuit) que Dominique A aurait signé pour une Françoiz Breut, oiseau aux connexions vocales évidentes avec Gisèle Pape (Dolls). Il y a à la fois dans ce disque des envolées, des battements d’ailes dessinant des arabesques flamboyantes, mais aussi des marches pas totalement funèbres, mais aussi mélancoliques que la danse des hirondelles au soleil couchant.

On ne quittera jamais vraiment ce disque, même si « Solitary Star », morceau de conclusion nous laisse dans une mélancolie telle que les larmes qui coulent de nos yeux pourraient alimenter les racines des ailes qui semblent naitre sur notre dos. Gisèle Pape supprime les barreaux de nos cages (agrandit les aquariums) dans une œuvre subtile ou la beauté se dispute la grâce avec la poésie. Oiseau de bonheur.