> Interviews



Hey, I’m Sleepwalking Here

Une nuit, dans une auberge de jeunesse à Madrid, un somnambule m’a réveillé quand il s’est cogné aux placards et aux murs, tant et plus. Comme il se dirigeait vers moi, j’ai pensé à la première règle du somnambulisme : ne jamais réveiller un somnambule. Alors, quand il a commencé à pisser sur mes affaires j’ai rien fait. J’étais captivée par le fait que son corps et sa tête étaient dans des réalités différentes, et j’ai pensé que ça ferait une bonne chanson.

Natalie Wood

Bienvenue à Sydney où une petite maison délabrée, complètement inhabitable, avec la puanteur permanente d’un cadavre pourrissant coûte plus de 1.1 million dollars australiens (700,000€). Voilà comment a fini l’histoire vraie de Natalie Wood (pas l’actrice). Comme les paroles l’expliquent, elle était une recluse qui est morte dans sa maison, où son cadavre est resté oublié pendant 8 ans. Sa belle-sœur, qui n’a pas pensé à elle pendant que Natalie se décomposait sur le sol, a gagné une longue bataille judiciaire contre ses cousins pour l’héritage. Pour moi, l’histoire de Natalie Wood est bien représentative de cet endroit : Sydney est une ville chère et solitaire où les enfoirés gagnent toujours.

This Life

Au moment son écriture, je me souviens que j’avais la sensation que cette chanson s’écrivait elle-même. J’ai pensé à mes amis Tim Steward and Kellie Lloyd de mon groupe préféré Screamfeeder quand j’ai écrit les premières paroles, mais je n’ai aucune idée d’où j’ai trouvé les autres mots. Probablement d’un cœur vraiment frustré avec le monde.

My Valentine

Quand une personne est surmenée elle devient éloignée de ce qui la rend humaine, et donc, cette chanson me rappelle un peu de la théorie d’aliénation de Karl Marx. Elle était écrite en 2013 juste après La Saint Valentin. A l’époque je travaillais trop et j’ai eu la sensation que je perdais quelque chose lentement, morceaux par morceaux. Ça pique encore de chanter les paroles « I feel like I’m losing my mind sometimes / And I’m scared I’ll lose my valentine » parce qu’il a fallu un peu de temps, mais j’ai fini par perdre les deux.

Diazepam

Une ode à ma drogue préfère qui parfois m’aide avec mon anxiété, et parfois non. J’ai réécrit les paroles cinq ou six fois, et la semaine d’enregistrement j’ai essayé de les changer une fois de plus, mais heureusement mon groupe m’a arrêté. C’est le titre dont nous avons fait le plus de versions du mix aussi. Cette chanson est maudite.

photo credit Matt Sitas

Je Suis Louise

Il y a plusieurs années j’ai visité le Château Chenonceau avec mon ex pendant une escapade en amoureux, et nous étions tous les deux fascinés par une petite chambre au deuxième étage, peinte complètement en noir. Elle appartenait à Louise de Lorraine, la femme de Henry III, qui avait porté le deuil pour la perte de son mari jusqu’après sa propre mort, 11 ans plus tard. Quand nous nous sommes séparés, mon psychologue m’a dit que je portais le deuil pour la perte d’une relation, et quand je parle avec mon ex c’est comme « parler à la mort ». J’ai trouvé cette idée un peu bizarre parce que notre relation n’est pas morte, elle a juste changé. Cette chanson est une tentative de comprendre mieux le conseil de mon psychologue, mais je ne peux pas dire vraiment si elle est sur Louise ou sur moi.

Sorrows

Juste avant d’avoir enregistré notre album, j’ai visité une petite galerie d’art où j’ai vu deux artistes qui ont réalisé un spectacle de marionnettes composé de citations de Frida Kahlo et Salvador Dali. C’est là où j’ai découvert une citation de Frida Kahlo, aussi triste que drôle : « I drank to drown my sorrows but the damned things learned to swim. » J’aimais bien l’idée de personnifier la dépression et je voulais utiliser cette image pour exprimer ma propre histoire avec cette maladie. Sorrows me rappelle l’œuvre Drowning Girl par Roy Lichtenstein. On peut trouver les thèmes du crève-cœur, de la noyade et du suicide dans les deux. Et comme Lichtenstein, qui a volé son image, je suis coupable aussi d’avoir emprunté le travail de quelqu’un d’autre. Plus important, les deux sont mélodramatiques. Pour moi le mélodrame est thérapeutique : il prend vos douleurs et il les déforme tant qu’elles deviennent drôles à regarder. Si on arrive à rigoler de sa tristesse on peut trouver une façon d’être heureux.

Ghosts

Cette chanson est sur les « lockout laws » à Sydney. Ici, on ne peut pas acheter d’alcool dans un magasin après 22h00, on ne peut pas entrer dans un bar après 1h30, et on ne peut rien boire après 3h00. La vie nocturne à Sydney est morte, et c’est difficile particulièrement pour les musiciens qui travaillent principalement pendant la nuit. Quand Library Siesta joue dans une salle vide j’imagine que le bar est plein de fantômes qui savent bien comment faire la fête.

Parramatta Rd

Parramatta Rd est l’artère principale qui connecte le centre-ville de Sydney et les banlieues de l’ouest où j’ai grandi. Quand Eva (guitariste principale de Library Siesta et ma meilleure amie) habitait plus proche de moi, j’ai pris cette route régulièrement à pied pour aller chez elle. Dans la section entre nos maisons, presque tous les magasins vendent des guitares ou des robes de mariées. Quand je voyais les guitares je salivais sur elles, mais quand je voyais les robes, je n’étais pas à l’aise. Elles sont chères, pas confortables, et de plus, elles représentent des siècles d’oppression des femmes et la conformité aux valeurs et aux normes de la classe moyenne. C’est triste que notre société conditionne les filles à imaginer le but de leur futur est d’acheter une robe blanche et devenir quelque chose de joli à regarder pour une journée. Je veux habiter dans un monde où les filles rêvent d’acheter une guitare et de devenir quelque chose de joli à écouter pour toute la vie. Si mes paroles ne sont pas suffisantes pour convaincre les filles, je suis sûre que le solo d’Eva à la fin fera l’affaire.

I Swear I Can Fly

C’était Paul (batteur et autre meilleur ami) qui a proposé l’ordre final des titres. Il m’a dit qu’il aimait bien l’idée d’avoir deux chansons sur le sommeil au début et à la fin du record. I Swear I Can Fly, écrit en 2010, est la plus vieille chanson de l’album. A l’origine, c’était à propos d’un rêve récurrent de mon enfance où je pouvais voler. Maintenant, dans le contexte de l’album, ça veut dire quelque chose de différent pour moi. Hey, I’m Sleepwalking Here pose la question « quel monde est le vrai : celui à l’intérieur de ma tête ou celui à l’extérieur ? » Après avoir suivi la ligne entre ces deux mondes pendant tout l’album, je conclus que la réponse est ici. Je veux habiter ici, dans le monde où je peux voler.

photo credit Jez.



 chroniques


 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.