Je m’attendais encore a cette fougue qui me les fit connaitre, je m’attendais sans doute a un remake de ces hits pour publicités, un pari facile, jouer a coup sur le cheval gagnant, ils ne seraient pas les premiers. Je pensais donc pouvoir parler d’eux en connaissance de cause, en mémorisant les déjà-vu et réchauffant quelques mots laissés au cas-où pour leur dernier et intrigant Lp ou "Bill Murray" éraflé les nerfs, ou encore bien avant, quand ces "Mouthfull of diamonds" ou le rageur et fortuné "When I’m small" montraient la mâchoire puissante du groupe et ses sons électriques, dans ce compact et riche "Eyelid Movies", avec un côté sexy latex qui engendrait bien des danses (Hayyyyy Sarah Barthel, Hay hay Saritaaaaaaaaa). Il y avait cette sensualité digne de notre duo hexagonal Niagara (Hayyy Muriel, Hay hay Murielitaaaaaaaa) mais aussi cette furie, ce nerf tendu, cet art du réitératif crescendo, ce plastique teinté de légères saveurs, cette impression que les sentiments ne pouvaient vivre autrement que dans les circuits électriques, l’apocalypse émotionnel électronique, la fin du romanticisme naïf. Ô surprise, le disque numéro trois du duo de Greenwich s’intitule "Three", on fait dans le sauvage, le rebelle, je me frotte les mains, tout suit son cours, pas d’orages a l’horizon, chronique pépère sans guéguerre, juste puiser dans les archives. Et puis vient le courant alternatif bousiller le discours que j’avais préparé, et j’ai beau cherché la raison dans ce chaos soudain, je ne sais que froisser le papier, il faut repartir a zéro, Phantogram, deuxième génération.
Qu’est-ce qui a changé, la déferlante est aussi fraiche que dans les deux disques précédents, la puissances, les chevaux fiscaux sont encore de beaux étalons sur-dopés capable d’ébranler des pistes de marbre, mais quelque chose a changé, et non, ce n’est pas qu’ils aient muris, ils ne sont pas encore majeurs, ils sont enfin, je crois, décoiffés, rebelles, ados et affamés. Oui, le rock a ce pouvoir qu’il tente autant le diable que les démons, tôt ou tard ceux qui effleurent ce genre, qu’ils soient câble ou qu’ils soient violons, y tombent jusqu’à prendre gout a la chute, belle manière de voler. Phantogram vient d’y chuter comme un soupir, adieu mes phrases faites, dieu mes points de vues fermés sur leur trajectoire, bien sur il y eut du plaisir jusqu’ici, désormais, il y a des fantaisies inavouables, des pensées sales et des danses vicieuses, après le plaisir, vient l’extase. Si jusqu’alors ils aimaient le noir et les zones d’ombres, voila que la pénombre les aime, entre eux nait le malin plaisir de la bataille, les coups de gueule et les scènes sans censure, voici "Three", le disque de la liberté, qu’elle soit malsaine, qu’elle soit maladie, voici l’âge de la liberté. Alors tombons, entre ce "Same old blues" viscéral comme un vieux super 8 de Voodoo où les noires en robes blanches entraient en transes sous les gospels païens, et les serpents chantent entre leurs jambes, et Sarah est vipère. Le son même, fils d’électricité et de samplers, s’humanise de cris "Cruel world". Bien sur, le disque est plus facilement abordable, il amplifie son public aux plus anciens des perfectos en sauvegardant les imberbes technologiques, il est surtout plus perçant, il est plus acide, il est plus interdit, et rien de mieux qu’une prohibition pour entrer au plus profond des âmes. Voila ce qui a changé, en superficie la peau reste pâle comme une touche de clavier et joue encore de nous sur des hits ébranlants, mais sous la peau la chair a fait de la fièvre une danse macabre et lumineuse "Destroyer", une douleur amoureuse, " You don’t get me high anymore" une morsure vénéneuse, " Run run blood" une révolte, " Calling all" la bave au bord des gueules des dobermans endormis en nous. Phantogram deuxième génération, donnez le a mangé aux animaux en tendant la main le plus plat possible, gare aux canines.