Nous n’avons pas fini d’écrire et de lire sur le combat entre l’homme et ses machines, et sur la conclusion souvent froide et terrifiante de la victoire de la machine sur son concepteur. Si la conclusion de Kubrik laisse planer le doute, celle de la machine économique elle ne fera pas de place aux rêves et à la possibilité d’une reprise en main de l’humain, telle une entreprise folle lancée à pleine vitesse.
Nouvel organe tant il nous accompagne partout sur des formes diverses et variées, l’ordinateur est aussi notre compagnon quasi favori, remplaçant nos caresses canines ou félines par des touchés furtifs sur du plastique ou les surfaces froides des écrans.
Pour le duo turinois (il faudra un jour placer Turin en plus des échiquiers automobiles et footballistiques sur celui de la musique actuelle) composé de Francesco Lurgo et Enrico Dutto, le défi était lancé. Se parler, communiquer en musique via des ordinateurs, sans que les machines ne délaissent l’humain est le pari des deux compositeurs, incluant même des instruments totalement dociles que sont le piano et la guitare. Si nous pouvions nous attendre donc à une plongée dans une froideur numérique, nous voilà dans une forme de substrats en constitution, un alliage aux frontières de la musique contemporaine et du post rock. On sent les brides tendues des deux compositeurs tels des Ben-Hur sur la piste tentant de maitriser des chevaux fous. De cette tension en résulte des sonorités jamais éloignées d’une monochromie sombre. Et c’est là où le titre du disque trouve tout son sens, car l’espace que le duo arrive à tenir fermement et dans lequel ils s’engouffrent est celui d’une méticuleuse marche vers un idéal, les muscles bandés à l’extrême pour tenir les parois afin qu’elles ne se referment pas sur le passage. "The Space Between" comme un passage hypnotique et terrifiant entre le bien et le mal, une convergence d’énergie de texture et de son formant un engrais duquel continuera à pousser FLeUR. Venez cueillir (à noter que le disque peut déjà s’enorgueillir de la probable plus belle pochette de l’année)