Dans mes nombreuses randonnées à travers les forêts françaises, j’essaye d’être en communion avec la faune sauvage. Je n’entre pas en communication, cette faune ayant, à raison, une crainte de l’homme, même si je suis vêtu par Decathlon plutôt que par Verney Carron. Parfois la crainte est inversée, fruit soit de croyances populaires ou de faits divers gonflés par le souffle toujours plus grand de nos jours de la rumeur. Combien de loups responsables de génocides de chèvres nécessitant l’extinction de la race. Combien de renards porteurs de la rage, combien de blaireaux auront emporté dans leurs terriers votre chien ou même un enfant, et combien d’hommes baffés et décapités par la simple caresse de ce plantigrade que l’on offre en peluche aux enfants pour ensuite aller l’admirer de façon honteuse dans des fêtes médiévales ou pire le tuer pour offrir une desserte chaude entre la table basse et la cheminée.
Ours cela se dit Ors en Occitan. Artus est un collectif majoritairement barbu, des musiciens aux parcours multiples, aux routes différentes qui convergent le temps de changer de peau et de se plonger dans celle de l’ours, pour un disque qui pourrait être un hymne à cet animal canonisé cinématographiquement par le sinistre JJA. On oscille entre médiévisme actualisé et musique plus contemporaine allant chercher dans des univers aussi complexes que puissants. Pour ce disque le groupe a voulu mieux connaitre le roi des animaux (Europe du 12éme), se plongeant dans des écrits instruits (ceux de Jean Soust), se rapprochant de ceux qui le connaissent, adoptant un mode de vie proche de lui. Ce qui frappe dans ce disque c’est la lumière, tant celle-ci est à rapprocher de celle fugace du frottement de deux pierres, du tournoiement d’un bout de bois. Il y a du frottement dans ces morceaux qui expriment en son ce que l’ours peut inspirer (rappelons que Artus vient du celtique ARZH qui veut dire Ours, Ors en occitan) peut susciter comme sentiments. Les six morceaux sont de longues plages, des escapades dans les Pyrénées à la recherche de cet animal montagne. Il y a dans cette recherche une quête plus sous-jacente, plus cachée, celle de notre propre mémoire, de notre histoire, nous qui nous efforçons avec une forme de talent qui n’appartient qu’à nous de nous auto détruire. Portés par des instruments médiévaux ou fabriqués par les musiciens du groupe, les morceaux d’« Ors » évitent l’écueil de la célébration rétrograde, celle des foires locales pendant lesquelles des hommes et des femmes se replongent dans un monde ancien, un iPhone dans le sac en peau de chèvre. Dés « Desvelh » nous sommes comme poussés du haut d’une montagne, devant éviter les arbres, les ornières, les roches, les jambes s’emballant. Il y aura ensuite des moments de recherche, des repos derrière des branchages, le coeur battant la chamade en scrutant l’horizon craignant autant qu’attendant la vue de l’animal. L’animal se sentirait presque en confiance, devant porter dans ses gênes les sons datant d’une époque où il était admiré.
Sachant se cacher comme sur cette belle pochette, l’ours ne se dévoile pas totalement à découvert, mais nous sentons sa présence, et c’est toute la force de ce disque. Parions que nos prochaines marches au long court s’imprégneront de cette musique, pour qui sait, faire la rencontre de l’Ors.