Au fil des années, nous avons fait la rencontre de quelques disques malades. Malade, car le compositeur n’allait pas bien, ou malade, car enregistré composé et interprété dans un modèle pas vraiment comme ceux des autres, aux antipodes de la norme. Mais combien donnerions-nous pour recroiser un nouvel "One Foot in The Grave" ou un John Frusciante, un Forest for the Trees pour nous déstabiliser, nous mettre dans un inconfort certain sans pour autant trahir nos envies de lisibilité.
Troisième album d’une discographie aux contours incertains, « Almost Transparent Blue » (titre tiré d’un roman de Ryū Murakami) est un disque de la veine des "Stereopathetic Soulmanure " et autre "Fun".
Les mélodies sont contrariées par le jeu nébuleux ou par des interventions chaotiques comme celles des percussions, mais elles existent. Au début des années 90 alors que Will Oldham prenait fièrement l’étendard d’une forme de country-folk à l’os, tout aussi neurasthénique que grande ouverte au monde, car débarrassée de ses us et coutumes séculaires et un rien pathétiques, un jeune blanc Beck mélangeait folk, blues, country, hip-hop et j’en passe. Entre les deux mondes des passerelles évidentes, mais des constructions à l’image de cette musique, certes avec des bases solides, mais le matériau laisser à désirer pour accorder une certaine longévité.
Avec ce disque Björn Magnusson parvient à ériger des bases solides, sans pour autant mettre au goût du jour, une musique sans âge, avec comme unique dogme ne mettre aucun frein à la création. En résulte un disque libre et totalement fou (sans jamais tomber dans le grotesque), un disque que l’on imagine enregistré avec un magnétophone, sur un une piste qui capterait de façon directe et sans filtre le son d’un groupe jouant dans l’idée de la prise unique. Le charme qui en découle est évident, et le psychédélisme latent n’effraiera même pas les tenants d’une certaine tenue dans les temps. Björn laisse libre cours à une forme d’écriture automatique n’excluant personne, sauf l’ennui.
« Almost Transparent Blue » est donc bien un disque malade, à la pathologie contrariante pour les praticiens, car dépourvus d’effet néfaste pour l’organisme. Au contraire, il est même un virus à s’inoculer d’urgence pour s’éviter la sclérose mentale, la maladie des poètes pensums, la grippe des autotunés de naissance. Two feet in the pleasure