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Ressortir le rock gothique et la cold wave du cercueil, en 2017 (mais il est possible de remonter jusqu’en 2014, au moins), est-ce une bonne idée ? Bauhaus le disait pourtant : « Bela Lugosi’s dead » (en gros : foutez-lui donc la paix, à Dracula !). Ce genre d’interrogations, tant qu’à faire, reviendrait également à se questionner sur la légitimité du revival électro-pop, sur l’intérêt d’une actuelle musique latinos qui agirait comme si les Talking Heads n’avaient jamais existé, sur la pertinence d’un emprunt house explicite, sur… Un cercle sans fin qui condamnerait, par snobisme et aveuglement face au présent, 99% de la musique actuelle.

L’histoire musicale ne se mord pas la queue : ses activistes rajeunissent et considèrent comme étant anciens (donc exploitables) des courants, des modes, qui, pour d’autres, semblent provenir d’un passé (très) proche. C’est logique. C’est même exigé de la part d’une jeunesse qui se contrefout du patrimoine (elle a bien raison).

Reste la question de la réappropriation. Ou du moins : de la nécessité à se diriger vers un mouvement (le gothique, en l’occurrence) qui affirmait haut et fort sa théâtralité (quand bien même certains groupes, tels que les Sisters of Mercy, cherchaient à convaincre du contraire – mais personne n’était dupe de la mascarade affichée).

Car ce qui plaît dans la cold ou le gothique, de nos jours en France et chez de nombreuses jeunes formations, c’est ce fameux « Bouh ! Fais-moi peur ». Le décorum, la stèle funéraire placée au bon endroit, le chant d’outre-tombe. En ce sens, oui, l’héritage gothique est particulièrement respecté, à la guitare près, puisqu’il ne conçoit pas autre chose qu’un cirque macabre (le mot cirque ayant plus d’importance que le mot macabre). Mais il n’y a pas de nécessité. Le point de vue adopté, chez Miss Parker ou Dreadlords, est celui du fantasme, d’une esthétique qui se suffit à elle-même. Il s’agit toujours de jouer à se faire peur – tel un ado qui se scarifie l’avant-bras pour affirmer son courage, mais qui balise à l’idée de pleinement se trancher les veines.

Oui mais, et The Cure, alors ? Groupe admiré, gargantuesque, et pourtant si factice ? C’est que Robert Smith croyait très fort en ce qu’il chantait et jouait, il outrepassait (avec la conscience du saut dans le vide) le joli décor pour se forcer à se mettre mal. Il lui fallait un propos, une raison personnelle pour chanter une musique aussi nihiliste. Comme un acteur (de préférence actors studio) qui n’arrive plus à sortir de son rôle, qui vient de découvrir une parcelle inconnue de soi-même.

The Cure jouait avec le feu. Les actuelles formations cold et goth se contentent de jouer avec la stylisation du genre cold et goth. Jusqu’à en faire des tonnes. Logique : puisqu’il n’y a aucune douleur dans le propos, c’est la musique qui subit le grossissement, l’exagération. Et là, on tombe dans ce qui a toujours menacé le rock gothique : la parodie.

Le chant anglais, chez beaucoup, n’aide pas non plus à s’y retrouver. On comprend néanmoins ce refus du français : entre la pudeur de trop en dire et la conscience de paroles assez nazes, l’anglais est une bonne protection (personne n’écoute les paroles d’un groupe français qui s’exprime en anglais, mais tout le monde est impitoyable face à des Français qui s’expriment en français). Voilà néanmoins, encore et toujours, une bonne façon de ne pas se jeter à l’eau, de convoquer les frissons de l’angoisse mais sans non plus chercher à leur adjoindre une raison, un besoin, n’importe qui ferait sens et résonance avec et chez l’auditeur. Dans leurs charentaises, la cold et le gothique contemporains sont en train d’écrire la mort définitive du mouvement. N’y avait-il pourtant rien à en extirper, messieurs Dreadlords & Miss Parker ? Ce n’est effectivement pas un constat mais une interrogation.




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