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"Il y a quelque chose dans ta figure qui me donne envie de vomir" L’homme ne répond pas. Ses yeux accrochent quelques grains de poussière amassés à ses pieds, son genou gauche le démange salement, mais il ne bouge pas. À quelques centimètres de lui, son bourreau ponctue sa phrase d’un sourire carnassier, qui s’étire au delà de sa tronche, comme un élastique que l’on tendrait maladroitement entre deux piquets. " Tu peux foutre le camp, à présent."

Il s’exécute, les épaules tassées, la mine crayeuse. Son ombre triste s’attarde sur les murs froids de la firme, il ne salue pas ses anciens collègues. Un bourdonnement étrange lui vrille les tympans, sa vision se brouille : des petites taches laiteuses dansent devant ses yeux, il a chaud... L’attente, devant la porte close de l’ascenseur, lui parait interminable. Il suffoque. Il sent les regards moqueurs s’encastrer contre la peau du cou, ses membres se couvrent d’une amère sueur. La gorge sèche, il repense, sans trop savoir pourquoi, à cet album, qu’hier encore il écoutait, en rongeant son repas.

Gymkhana, d’Attila Krang. Un puissant guerrier qui, s’il était né fin 1900, ne se serait pas laissé faire. Les portes coulissantes s’écartent doucement. Il pose un pied à l’intérieur, mais remarque alors la touffe de poils qui s’échappe d’entre les lacets de sa chaussure. Horrifié, il remarque que ses mains aussi, se sont couvertes de longs poils bruns hirsutes, qu’est-ce que...

Sous l’oeil crépitant des néons placides, son corps se rétrécit et le voilà à quatre pattes, le visage couvert de fourrure, le nez transformé en un puissant museau noir, auréolé de deux narines palpitantes. Une bave crémeuse dégouline de sa gueule ouverte, il sent ses petites dents s’allonger et se durcir, puissantes quenottes d’ivoires, aucune chair ne vous résistera !!

Un chien immense, vibrant de haine, trottine entre les bureaux. Les employés glapissent et grimpent sur les tables, s’enferment à double tours dans les toilettes. L’animal hume l’air gavé de trouille et accélère le pas lorsqu’il repère l’odeur caractéristique du patron de la boite. Mélange de sueur et d’after shave doucereux qui lui picote les narines. L’échine parcourue de mille frissons, le voilà qui se cabre à la vue de sa proie. D’un bond puissant, il atteint sa cible à la tête, ses canines s’enfoncent dans la chair molle du cou comme dans du beurre fondu, la bête tourne brusquement la tête, arrachant des bouts de chair barbouillés de sang. L’homme tombe en arrière et ce qu’il reste de sa face vient percuter le parquet fraîchement ciré en craquant. Des quelques secondes de vie qui s’échappent de son corps, il n’en usera aucune pour songer à ses fautes. Le chien bouffe ce qui lui plaît de bouffer, le coeur, le foie et quelques orteils, puis détale du bâtiment sans demander son reste.

Les autres, en haut, se moquent de tes espoirs. Les bras croisés sur leur torse gonflé à l’amiante, ils aiment à parier sur l’heure exacte de ta chute. Mais, parfois, l’un d’eux te file un coup de pouce précieux. C’est le cas de cet album. Si tout espoir semble perdu, écoute-le s’animer. Et bois, bois l’énergie brute qui se dégage des 6 tracks démentielles qui s’offrent à toi. Une rage canine a pris possession des musiciens, il suffit d’écouter la version énervée de Cambodia pour s’en convaincre. Les riffs rugueux de Serrurier ne sont pas en reste, on nage en plein délire. D’un bout à l’autre du disque, on est bousculé par la meute enragée des instruments et voix qui, bien après la fin, résonnent encore entre les os de notre boîte crânienne.




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