Vous souvenez-vous de ces adolescences de mobylettes, quand on s’encrassait les doigts de cambouis, et cette saleté permettait le plaisir, on sautait crade sur nos chevau-légers chromés, et malgré la poisse, on découvrait la liberté dans l’air cinglant (sans casque, bon dieu) et la vitesse. Fidji, c’est exactement ça, puiser dans la graisse des chaines pour inciter le plaisir, c’est une sorte de romantisme, le bien dans le mal, mais c’est un peu plus ciment que ça, c’est du rock. Il faudra que je demande pourquoi "Fidji", ou peut être ne vaut mieux-t-il pas découvrir le pourquoi, ces mystères sont toujours à préserver. Sur, il y a des pincées d’exotismes semées ça-et-là, de petites tesselles de sons insulaires, qui viennent chambouler la puissance en façade de ces titres, dans les méandres de ces compositions parfois surprenantes, mûres, pas des révolutions, mais de grosses envies de feux, d’incendies. A dire vrai, j’ai eu du mal a cerner l’artwork et le nom avec le style, faut dire que j’aime aussi ces énigmes, quitte a me les inventer dans mon petit ciboulot, le visuel est mon premier paragraphe, l’introduction a l’écoute, le reste du texte est musique, alors quoi de mieux qu’un prologue intrigant ? La curiosité chatouillée, j’en reviens aux moteurs à essence de nos 103 Peugeot virtuelles et philosophiques, j’en reviens au garage.
Fidji a cette essence propre a la révolte qu’a le rock indie, cette rage peuplée de romantismes adolescent, qui croit, qui désire, qui incendie, qui sent l’essence des moteurs et le frisson du vent cinglant sur les visages, ce savant mélange de cambouis épais et de gasoil volage, les mélodies explosives et les sons aériens, ce rock de toujours, vêtu d’air, selles de cuirs pour les voyages. " Let the good times roll" est, effectivement ça, un essai sonore de l’esprit "carpe diem", un de ces fou-rire de jeunots de 15 ans, insouciants, rêveurs, bricoleurs d’univers soniques dans leurs réunions de garage des dimanches sans lycées, et leur ambition de partir partout. Nos lascars de Fidji, ont juste poursuivi le rêve jusqu’à aujourd’hui, et j’espère qu’il leur reste assez d’essence pour pousser plus loin les engins. Empreint des fougues d’un "Green Day" et d’une bonne myriade d’influences sans frontières, d’un grunge heureux, d’un rock saxon jaloux de soleil, d’électrochocs douillets, ils étalent un talent de composition que leur bonne entente entre musicien, renforce de bonnes vibrations. Les quatre membres, fils hirsutes du post-punk, ont l’idée géniale de n’être pas que ça, d’être aussi une couleur vive dans les tons gris de la décennie, d’être le chrome brillant et luxueux en même temps que la chaine et la peinture oxydée et cabossée du réservoir. Rebelles peut être pas, plutôt joyeux drilles, mais farouchement libres (leurs concerts doivent être puissants, nuls doutes), leurs titres sont soufres, nitroglycérine en homéopathie, suées de bars enfumés, leurs lettres sont humainement déchirées, le tout est un Ep. Franc, direct, d’un désordre agréable, d’un chaos capable de rythmer les nuques, une barricade d’envie de vivre, une ruée en roue libre, une échappée belle au volants de bécanes sept cordes, un trajet monté sur les petits plaisirs et la seule envie de partager un bon, très bon moment.
Epilogue
Je traine encore derrière moi, avec saine nostalgie, le bruit que faisait alors mon maigre 102 bleu (peint a la main), je me souviens le pousser a fond pour qu’il paraisse un tonnerre quand je passais prêt de certaines filles, puis d’admirer son doux ronronnement quand il restait au ralentit, il y avait la force, il y avait la douceur, et cette impression de chevalier, de James Dean, de vieux rocker style vieil homme d’Hemingway en haute mer. Il y avait la révolte, il y avait l’innocence, étrangement, il y a toujours eu Fidji