On se rappelle avoir perdu les KVB en album en 2016 quelque part entre le Joy Division de Love Will Tear Us Apart et les Sisters of Mercy, avec le sombre Of Desire, puis en EP en 2017. Qu’en est-il désormais du duo londonien, après ces aventures shoegaze sinistres et délicieusement plombantes ? Rassurons-nous très rapidement, leur prodigalité, leur capacité à sortir rapidement de très bons albums est toujours là, plus que jamais.
Dès un premier morceau et single logique de Only Now Forever, les changements se font sentir : si la vibe générale reste teintée de relents gothiques, post-punk et compagnie, le beat se fait plus clair et bouffant, la boîte à rythme plus cinglante, et on se surprend à battre du pied au-dessus de la voix désabusée de Nicholas Wood, et des plaintes aigues de Kat Day. C’est que désormais, on a le droit à une new wave rappelant les plus belles heures de Depeche Mode, plus aussi guttural dans ses instrumentations, tout en continuant l’enchevêtrement des motifs promis sur Of Desire.
Les programmations rythmiques comme des cœurs battants : sur l’irrésistible Afterglow, peu de répit est offert tant les beats se veulent pénétrant, suffocants dans la danse moite qu’ils provoquent inévitablement, alors que la guitare éclate et rompt. Parfois les danses seront plus souples, plus voluptueuses : c’est le cas notamment sur la douce Violent Noon qui serait un enfant maudit de Cocteau Twins et Slowdive, et son refrain éclairé, réverbéré à l’infini, tandis que les deux voix se répondent en un dialogue de rêve fou. C’est dans ces moments de l’album qu’on se rappelle aussi la superbe reprise psychédélique du Sympathy for the Devil qu’avait fait le duo, là où l’équilibre de tout le fatras pernicieux contenu dans la musique était le mieux respecté.
Facilement on se laissera alors porter dans ce déluge synthétique formant bloc, catchy dans sa noirceur, irrésistiblement dark : c’est sans trop de remous que les pistes se succèdent, et c’est peut-être là le plus gros défaut de l’album : malgré une évidence mélodique de chaque instant, malgré les hooks pendus un peu partout, il manquera toujours un grain de folie à l’album pour n’être pas simplement ce très bon moment, mais pour être un souvenir inoubliable : quelque chose de plus que les très bons No Shelter ou On My Skin qu’on finit malgré tout par confondre (quand je disais que ça formait un bon bloc…), il manque un aspect de progression qui donne l’impression de tourner assez vite en rond dans l’album. Only Now Forever, c’est peut-être ça qu’ils voulaient dire par là : trouver une veine, et l’exploiter sur un album, pour toujours (replay). Ce qui était déjà le cas sur l’album précédent le sera sûrement encore ici : c’est surtout dans les conditions de live que The KVB transforme vraiment ses essais, ceux qui ont eu la chance de les voir auparavant sauront en témoigner. On les attends donc de pied ferme pour bondir aux sons de leur nouveau-né.