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Il est minuit, il est minuit dans mon petit appartement de Madrid, où la chaleur brule le dos au canapé, il est minuit ici, c’est l’heure où les loups vont aux rivières boire, et les hommes aux bars, dépotoirs d’amours, moi, j’ai arrêté de sortir de chez moi la nuit le jour où j’ai vu des mensonges dans les glaçons, on se fait vieux, mais pas cons. Il est minuit, c’est l’instant euphorique où j’écoute les envois du jour, toutes ces musiques étranges qui m’embrassent ou m’engueulent, qui parfois passent sans rien dire, sinon, gueulent. Il est minuit, je n’ai rien trouvé qui m’ébranle, la journée fut fatigante, les oreilles et la chair ne fonctionne pas bien dans la fatigue, comme un portable de mémoire pleine, je n’ai envie de rien, d’un silence, ou peut être plus loin, trouver dans le vide la petite étincelle sonore qui implore jusqu’à briser l’apnée de moi, je pourrai puiser dans les classiques, ces Rem merveilleux, ces Dominique A ou Manset, je pense a un Chamfort rebelle, Novice, je pense a un Sheller pompeux des 80’s j’ai aussi sous la main un Pino Danielle, allez savoir pourquoi, non, il faut aller un peu plus loin dans le silence pour trouver une certaine délivrance, encore là, devant moi, sur l’écran, devant, Filip Chrétien. Alors je sors du bois, je m’offre a la plaine, la soif m’entraine, sous la brise d’une musique, je suis la piste, je rejoins la berge.

Filip vient a moi a minuit comme les loups au courant d’eau, sa faim a des crocs, mais sa silhouette est hypnotique, je l’ai senti arriver, dans les besoins d’un son spécifique, dans les nécessités de paix, et de cracher les débris du jour. Les loups se lovent autour des berges, restent a l’écoute des courants d’eau, Filipe entre en scène, les loups sont calmes, ils déchiffrent, dévorent ce chrétien comme lions aux arènes, et recrachent toutes la beauté qu’ils y ont trouvé, ces bribes de vies merveilleuses ou hargneuses, tout ce que les loups aiment, la chair, la liberté et la franchise. Filip est franc, ces canins ne savent mentir, il a une naïveté puérile qui le rend franc, dans ces mots et ses pas, si franc que l’on peut sentir ses peurs dans le dédale de ses disques, a chaque fois il s’effraie d’oser, et puis réussi à s’élever, Filip est ainsi, il se lance dans son vide et se rend compte de l’état du filet une fois traversé… quand le public l’applaudit. Oh je sais de sa crainte d’avoir risquer autant que je sais qu’il se sauvera avec tous les honneurs, à chaque fois, il me rend admiratif. Sous l’aile de Lou (autre loup de la meute qui peuple ce disque), il délivre à nouveau des festins pour les fauves. Il m’avait exprimé sa crainte pour ce disque, je crois que cet un pas beaucoup plus important qu’il ne parait, le loup cherche le trône de la meute, il sent les canines, il sent le sang, il est plus mordant, il est temps, Filip, rassure toi, depuis le premier silence, on sent la morsure. Voici venir l’hymne des meutes, dans ses sublimes et riches compositions, plus élevées, plus blessées, amples comme un territoire de chasse, le froid des hauteurs, la chaleur des veines, " Devant" est en lui-même, titre phare de ce disque, un enfant terrible, qui, comme le regard du loup, attire autant qu’il impose, vous troue, vous transperce, vous caresse, vous tranquillise pour vous dévorer soudain, vous fixe dans la cible des creux de ventre, il y a du Biolay, il y a du Dominique A, du classique et de l’au-delà, il y a de la vie, le nectar et les épluchures, la chair et la peau, alimenter le loup. Minuit dure une éternité, agréablement le temps attend chaque seconde de cette musique, tout va a pas de loup, calmement, dans une paix fragile, les morceaux se suivent comme des étoiles que boivent les bêtes dans le ruisseau, des sons profonds, pénétrants, grandioses comme des steppes, mais tout aussi frileux, sans cesse affamés, frôlant la joie, effleurant les maux, le disque est beau comme un monde.

Minuit est passé, la lumière fera fuir les loups des berges, moi j’ai vaincu le silence dans les violons d’"Eternellement", j’ai bouleversé les sentiers de la meute, puis je les ai suivis, tu as raison, Filip, cela a de la valse comme du tango, les loups feulent autant qu’ils griffent, l’équilibre entre le chien et le monstre d’un Gévaudan, on court facilement avec eux. L’échine souple, on se berce au rythme des courses, la liberté hérisse le crin. C’est une piste a suivre, dans les empreintes laissées, ces paroles naturelles, a peines prononcées, des poésies ultrasoniques que les âmes entendent avant que le corps reçoive le frémissement, qui sortent des gueules comme hurlements autant que respirations, de ces lettres magnifiquement simples, qui vivent en elles même, et font vivre les composants de cette tribu, des lettres que j’aime dans leurs arômes de terre, d’air, et d’averses passagères. Minuit est passé et j’ai a nouveau envie d’écouter tous les sons du monde, a la lune, mon ami, hurler a la lune, le plaisir autant que la faim, hurler ce que ce disque fait du bien, et rejoindre les loups, si ils ont cet art.




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